En RDC, l’exploitation du miel constitue non seulement une source de revenus pour les ménages, mais aussi une alternative à la gestion durable des forêts. L’ampleur de l’activité fait reculer les feux de brousse et mobilise à la protection de l’environnement.
« Asali ya beyi ». Traduisez « Du miel à vendre ». Cette phrase publicitaire qui indique des lieux où on vend du miel se trouve à chaque coin des rues et avenues des villes et villages en République démocratique du Congo. Même des vendeurs ambulants de cette substance obtenue grâce à l’élevage des abeilles se multiplient. « Depuis que les médecins, les nutritionnistes et les médias sensibilisent sur les vertus du miel dans la prévention des maladies, les citoyens raffolent ce produit des abeilles. Au début, ça n’a pas été facile de vendre… Parfois j’étais ridiculisé en public, minimisé, insulté, chassé par des clients qui ne comprenaient pas comment un homme, marié de surcroit, pouvait vivre juste en vendant du miel. Mais je me disais qu’il fallait demeurer tenace… Et ça paye», se réjouit Mumbere Kikakamene Joseph, très connu pour son courage. A Butembo on l’appelle « Monsieur Asali (Miel, en Kiswahili) ».
Avec cette montée de consommation du miel, les apiculteurs aussi se multiplient dans la région. C’est le cas de Kambale Mungumwa. C’est un apiculteur exerçant ce métier depuis presque sa plus tendre enfance. Souriant, il explique : « j’ai suivi les pas de mon père qui, lui aussi vivait grâce à la culture des abeilles à côté de son activité agricole. Tout petit, j’aidais déjà mon père à faire les ruches. Mon père avait une dizaine de ruches avant de mourir, mais moi aujourd’hui, j’en entretiens une cinquantaine dans cette partie aux alentours du parc national des Virunga ». Il poursuit que sa femme vend la production de miel au marché.
Gagner sa vie en toute dignité
L’ampleur de cette activité incite à ce qu’une partie de la communauté rurale s’approprie l’initiative de la récolte du miel pour augmenter leurs revenus. Le reste de la communauté rurale s’inspire de la vie de l’influent apiculteur et tout le monde presque s’adonne désormais à la cueillette du miel. « J’ai suivie aussi les traces de Mr Mungumwa. Après deux ans d’expérience, j’entretiens mes trois ruches et j’en profite énormément. A chaque saison de récolte, je peux épargner jusqu’à 100 USD en raison de 10 USD par litre et cela après toutes les autres dépenses des frais scolaires et de l’alimentation familiale », s’enthousiasme Erick Musavuli, un apiculteur de l’Ituri.
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Selon des apiculteurs, une ruche peut produire entre 5 et 10 litres en une saison. « Quand vous vous lancez dans l’activité, il faut attendre 6 mois. Après cette période vous procédez à la récolte toutes les deux ou trois semaines », se réjouit Aimé Kibendelwa, qui pratique l’apiculture depuis 6 ans à Mangurejipa, à environs 100 Km à l’Ouest de Butembo, au Nord-Kivu.
A l’inspection de l’AGRIPEL (Agriculture, Pêche et Elevage) on soutient la thèse selon laquelle la production du miel apicole devrait augmenter jusque même 15 litres au minimum par ruche, si ces apiculteurs curieux étaient formés en techniques apicoles. « Généralement, ce sont des gens qui s’y lancent par passion. En réalité ils n’ont jamais subi de formation sur l’élevage des abeilles, notamment comment entretenir les ruches etc. Certes la course sera longue et pénible, mais nous préparons des descentes sur ces sites pour former et informer ces apiculteurs ».
Une guerre permanente contre les feux de brousse
Etre apiculteur est synonyme aussi de lutter pour la protection de l’environnement. D’abord il faut cultiver aux environs des ruches des plantes qui produisent des fleurs en vue de nourrir des abeilles comme des tournesols, des palmiers,… Ensuite, lutter contre l’agriculture sur brulis et contre les feux de brousse. Sciemment ou pas, les agriculteurs incendiaient parfois la brousse y compris les ruches, et même les fleurs que consomment les abeilles. « C’est pour la simple et bonne raison qu’ils ont découvert les avantages économiques de la vente du miel. Ils ne se donnent plus à des activités destructrices de la forêt comme les feux de brousse ou la coupe du bois », indique Albert Kisuba.
À en croire son assurance, l’exploitation du miel est l’une des solutions à ce fléau, car elle permet d’augmenter la ligne verte dans le paysage de Virunga, Maiko et Kauzi Biega, notamment par la plantation des arbres au lieu de les couper ou laisser croitre la végétation au lieu de la bruler. « Ainsi Pour préserver l’environnement naturel et les forêts en particulier de la menace croissante de l’homme, l’apiculture est une mesure efficace qui doit être promue », rassure pour cette fois Mungumwa, un analphabète joint dans les collines de Kanyabayonga, à la lisière du parc des Virunga dans l’Est de la République démocratique du Congo. Pour lui, qui précise aussi qu’avec cette augmentation de la production du miel, les apiculteurs sont mobilisés et contribuent à l’amélioration de leurs conditions de vie à travers des ventes en association, notamment avec l’application de prix unique et raisonnable leur permettant de subvenir à leurs besoins quotidiens et la sensibilisation d’une gestion responsable de leurs ressources tant naturelles que financières.
Umbo Salama
Merci Umbo Salama pour ce reportage riche et utile.