×

Les télécoms et l’insécurité brouillent les abeilles à l’Est de la RDC

Les télécoms et l’insécurité brouillent les abeilles à l’Est de la RDC


À cause de la guerre qui sévit dans le Nord-Kivu et de la présence d’antennes de télécommunication qui brouillent la reproduction des abeilles, la filière apicole est en danger au nord-est de la République démocratique du Congo. Des hommes et le Centre d’éducation (Cemadi) œuvrent pour redynamiser la vie des abeilles et la production de miel. Il en va de la vie des hommes comme de celle de la nature. Reportage.

Le dernier rapport du CEMADI (Centre d’éducation managériale pour le développement intégré) publié vers fin 2021, structure qui encadre plus de 70 apiculteurs dans la région, parle d’une dizaine d’apiculteurs morts, de miel volé et de ruches détruites pour une valeur d’environ 15000 dollars américains et de 58 millions d’abeilles brûlées. Ces chiffres concernent la période de novembre 2017 à octobre 2021.

Une installation des ruches en chefferie des Basshu

Dans cet espace, les éléments des FARDC (l’armée de la RDC) et des groupes Maï-Maï très actifs dans la région se sont affrontés à plusieurs reprises. Chose qui chagrinent des apiculteurs de la région. « Il y a eu 322 ruches détruites complètement ou incendiées pour une valeur totale de 12880 dollars, dit-il. Au moins treize bidons de miel, le tout évalué à 425 kilogrammes d’une valeur de 3 000 dollars, ont été extorqués ou pillés. Le total des pertes matérielles connues en chefferie des Bashu est de 15883 dollars », déplore Alphonse Paluku Kighoma, coordinateur du Cemadi.

Rareté du miel sur le marché

Dans chaque ruche, vivent au moins 180 000 abeilles. En prenant en compte 322 ruches incendiées, cela fait un total de près de 58 millions d’abeilles brûlées. Avec cette destruction, la nature aussi en pâtit surtout que l’abeille contribue à la pollinisation d’environ un tiers des aliments consommés par l’homme. Conséquences, les plantes vivrières qui attendaient l’intervention des abeilles risquent de ne rien produire. Et cela fait autant de quantité de miel en moins. « Maintenant, dites-moi comment je vais vivre. Mes cinq ruches Langstroth ont été réduites en cendres par des inconnus. Si le gouvernement ne me soutient pas, moi et ma famille risquons de mourir de faim », implore Jean-Paul Kakule, apiculteur à Isale-Bulambo en territoire de Beni.

Des fois on nous confond avec des assaillants

Il arrive aussi que les porteurs d’armes confondent des dispositifs d’élevage d’abeilles avec des cachettes ou des positions des assaillants. Dans certaines circonstances, pendant que les apiculteurs déplacent les abeilles d’un endroit à un autre, comme ils les font souvent la nuit pour éviter certains dégâts sur des habitants, les porteurs d’armes confondent des apiculteurs avec des miliciens. « Schadarck Kambale, un apiculteur des Bashu avait été atteint d’une balle quand il revenait de son champ de ruche, avant d’en mourir. D’autres ont été arrêtés avant d’être relâchés par les services de sécurité », indique Paluku Kighoma. Le coordinateur du Cemadi craint la rareté du miel perculeux, autrement dit du miel médical, sur les marchés de Butembo, Beni et Lubero.

Des antennes qui brouillent les abeilles

Autre problème auquel fait face l’apiculture : l’installation d’antennes des réseaux de télécommunication dans la région. Ces antennes perturbent la vie des abeilles et la production de miel. « Cela a eu une répercussion négative sur l’activité des abeilles », note le coordinateur du Cemadi. Il évoque une « perturbation des champs magnétiques terrestres guidant les abeilles dans leur parcours quotidien ». Le nombre d’abeilles a même sensiblement diminué ces dernières années.  

En effet, les signaux électromagnétiques que les abeilles émettent pour naviguer couvrent une bande de fréquence de 180 à 250 hertz. Elle croise ainsi celles des téléphones mobiles à 217 hertz. Cela désoriente, affaiblit et stress les abeilles. Elles ne sont plus résistantes aux agressions chimiques et aux maladies naturelles. « Plusieurs populations d’abeilles restantes ont déjà quitté les grandes agglomérations comme Butembo, Beni ou Kasindi pour se concentrer vers les forêts et boisements communautaires éloignés ou dans des montagnes comme Lubwe, Muleke ou Ruwenzori et jusque dans le parc national des Virunga et des réserves protégées », se désole la Cemadi, avant d’ajouter que les ruches se colonisent difficilement actuellement.

Troisième miel d’Afrique

Avec cette baisse du nombre d’abeilles, la saison apicole allant de novembre à mai a déjà déçu les apiculteurs locaux. Sur le marché, miel de bonne qualité se raréfie.  Un bidon de miel qui se vendait à 100 USD en 2020, se négocie actuellement entre 140 et 150 dollars. « En cas d’une telle pénurie, il y a toujours des véreux qui en profitent pour tenter de donner aux habitants du miel de mauvaise qualité », explique Alphonse Paluku Kighoma.

D’autres vont jusqu’à mélanger le miel avec le sucre de saccarose pour augmenter la quantité. Ce qui est un danger pour certains malades comme ceux atteint du diabète. « Même s’il y a pénurie, nous invitons la population à demander notre avis consultatif sur la qualité du miel à donner aux malades », insiste Paluku Kighoma.

Troisième miel en Afrique

Cette baisse du taux de la population d’abeilles dans la région peut avoir aussi des répercussions sur différentes chaînes alimentaires car l’abeille intervient aussi dans la pollinisation des plantes. « L’abeille est indispensable pour la survie de plus de 80 % des plantes à fleurs et pour la production d’environ un tiers de la nourriture des hommes », rassure Paluku Kighoma.

Pourtant en 2017, le miel des apiculteurs de Beni-Lubero avait été plébiscité troisième miel en Afrique. Malheureusement, les efforts des apiculteurs de la région sont mis en danger par la guerre. La sécurisation des apiculteurs a encore régressé depuis que les massacres des civils se sont accentués dans la chefferie des Bashu en territoire de Beni ; une zone qui recense plusieurs apiculteurs.

Patient Muhindo Akilimali


1 commentaire

comments user
Dwight Strozier

Bonjour ! J’aurais juré être déjà venu sur ce blog, mais après avoir parcouru certains articles, je me suis rendu compte que c’était nouveau pour moi. Quoi qu’il en soit, je suis certainement heureux de l’avoir découvert, et je le mettrai en favori pour y revenir régulièrement !

Les commentaires sont fermés.