Dans des zones en proie à des conflits armés, comme la province du Nord-Kivu, des victimes des violences sexuelles se multiplient. Des civils profitent aussi pour abuser et violer des femmes en quête des travaux ménagers dans leurs domiciles. Des actes qui traumatisent encore ces déplacés.
Regard perdu, des larmes coulent de ses yeux, la tristesse se lit sur le visage de la prénommée Charline, d’une vingtaine d’années, pendant qu’elle nous raconte son histoire. « C’était un mercredi. Pendant que je faisais le tour des parcelles à la recherche de l’emploi, une maman m’avait demandé de lessiver les habits de ses enfants pour me payer 5000 franc congolais, puis elle est partie au boulot. Pendant que je lessivais, un de ses fils, un peu costaud, m’avait appelée dans la maison. Je croyais que c’était pour me donner d’autres habits à laver. Quand suis en train, comme on était seulement en deux dans la parcelle, il m’avait plaqué sur le sol et m’avait violé. J’avais peur de leur dire à sa mère. Les images de cette scène me reviennent souvent », se rappelle-t-elle.
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Comme elle, plusieurs femmes déplacées de guerre subissent des actes de violences sexuelles pendant qu’elles sont à la recherche des petits boulots pour la survie de leurs familles. Elles sont des cibles faciles des prédateurs qui profitent de leur vulnérabilité. « Nous vivons la misère au camp. On n’arrive pas à survivre. Chaque jour, je me réveille pour aller en ville envie de chercher où travailler. Mais certains profitent de ce temps pour abuser de nous. Nous avons du mal à dénoncer vu que nous cherchons les moyens pour nourrir nos familles et répondre à nos besoins vitaux », explique une dame, mère de deux enfants, rencontrées au camp de Don Bosco à Ngangi.
Pour Semu Sikulimwenge Vincent, psychologue clinicien à l’hôpital Heal Africa de Goma, les violences sexuelles renforcent les rapports de pouvoir sur les victimes. « Il est essentiel de développer des moyens de subsistance, notamment par des activités génératrices de revenus, afin de favoriser l’autonomie économique des victimes et de renforcer la résilience des communautés affectées », conseille-t-il.
Craintes de représailles
Face à la montée croissante de cas de viols des personnes déplacées, le juriste Maître Patrick Musambali indique que ces actes constituent des graves violations tel que prévu à l’article 170 du code pénal Congolais.
Mais, la plupart de victimes de viol n’arrivent pas à dénoncer ces abus. Ils craignent parfois des représailles de leurs bourreaux.
Après des sensibilisations, certains déplacés souhaitent voir leurs bourreaux dans des cachots. « Nous sensibilisons des femmes et des jeunes filles d’avoir une conscience collective pour arriver à lutter contre les violences sexuelles. Grâce aux soutiens de quelques organisations humanitaires, certains déplacés entreprennent des petites activités génératrices de revenus », indique Eugénie Wimana l’une des femmes leaders du site Don Bosco. Elles vendent des produits vivriers et d’autres biens de première nécessité.
Pour des psychologues, « le soutien psychosocial est crucial pour créer un espace sécurisé où les victimes peuvent exprimer leurs émotions », indique Semu Sikulimwenge.
Women Power, une organisation de défense des droits de la femme apporte aussi son secours. Dans le cadre de son projet « Réponses d’urgence aux violences basées sur le genre et la santé sexuelle reproductive », sensibilise sur le respect de la dignité humaine et mène des plaidoyers afin que les auteurs des viols soient punis par la loi.
Des petits commerces pour survivre
D’après Madame Aurélie Maliro, assistante de communication de cette organisation, environ 70% de femmes de camp Kashaka Shabindu sont exposées à différentes formes de violences qui les exposent aux grossesses non désirées, des avortements non sécurisés et des infections sexuellement transmissibles. « Nous intervenons dans la prise en charge psycho médicale pour apporter de l’espoir aux victimes. Nous demandons à notre gouvernement de soutenir ces femmes victimes de violences sexuelles car leurs vies socioéconomiques chutent après ces abus ».
Pour éviter des abus sexuels, certaines femmes déplacées, autrefois victimes des violences sexuelles, viols et autres formes de violences, se lancent petit à petit dans des petits commerces. « Je fais le commerce. Je prends de produits vivriers chez une vendeuse qui vit aux alentours du camp pour les revendre ici. De cette manière je gagne mon pain et je subviens à d’autres besoins », explique une femme déplacée du camp Don Bosco.
Katembo Mbuto Victoire