A l’Est de la RDC, certaines filles se débrouillent pour gérer leurs règles menstruelles


Considérés comme tabous, des sujets portant sur les règles menstruelles sont complètement ignorés dans plusieurs conversations entre parents et enfants en ville de Butembo, au Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo. Pour combler ce vide, certains enfants trichent en écoutant des émissions radios et autres séminaires sur l’éducation à la vie. Et pour quels résultats…

« Je n’en revenait pas quand j’ai eu mes premières règles. Le sang avait coulé entre mes jambes. J’avais cru avoir une plaie dans mes organes intimes et je commençais à pleurer. C’était en classe, alors que j’avais 12 ans. Tous les garçons de ma classe s’étaient moqués de moi. Seules quelques amies filles qui avaient vite compris ce qui m’était arrivée sont venues à ma rescousse. Elles avaient chassé tout le monde de la salle et ont nettoyé là où j’étais assise. Quelle humiliation ! ».

La prénommée Zawadi, se rappelle encore de ces événements comme s’ils se sont déroulés hier. Aujourd’hui mariée, mère de deux enfants, elle comprend que c’est important de parler à ses filles des questions de menstruation quand elles ont encore 10 ou 11 ans.

En effet, dans plusieurs familles on ne parle pas de sexe ou des règles menstruelles aux enfants. Ce sujet-là ne les intéresse pas. C’est même un tabou frôlant le sacré. Des parents éprouvent des difficultés. Pour de nombreux adultes, parler de la sexualité aux enfants et aux jeunes adolescents ne se fait pas. Tantes et oncles à qui la tradition Nande (peuple majoritaire dans le milieu) confie la tâche d’éducateur et de conseiller les jeunes sur la question, ont simplement abandonné leur tâche, laissant les jeunes se débrouiller.

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Et les adolescents qui n’ont pas le choix cherchent ailleurs, des réponses sur le fonctionnement de leur corps. « Quand une fille voit ses premières règles l’unique conseil qu’on lui donne c’est d’éviter de faire des rapports sexuels avec des garçons de peur de tomber enceinte. Mais on ne lui parle pas de l’hygiène et du comportement à adopter puis que ça fait déjà partie de sa vie », s’inquiète Muhindo Madingo. Elle a enseigné vers les années 2000 le cours d’éducation à la vie.

L’éducation diffuse s’invite

Dans les écoles secondaires, le cours d’éducation à la vie tend à disparaître. Pourtant c’était aussi l’occasion d’expliquer aux jeunes filles comment se comporter en cas des règles menstruelles. « Nous pensons que dispenser ce cours est une nécessité… Nombre de jeunes se confient à leurs amis qui leurs donnent des conseils vaille que vaille et les conséquences qui en découlent sont toujours catastrophi­ques », pense Muhindo Madingo. Nombreuses filles se retrouvent dans une impasse et sont exposées aux dangers, par manque d’informations sur leur situation.

Sans réponses à leurs multiples questions sur la sexualité et des besoins non satisfaits, des jeunes filles vivent un calvaire sous les yeux de leurs parents. Ceux qui tentent de parler de ces sujets dans les médias reçoivent une grande audience auprès des jeunes, filles et garçons, et vont jusqu’à organiser des séminaires sur la sexualité. « Moi ce sont mes amis qui m’avaient expliqué comment je dois me comporter lorsque suis en règles. Elles m’avaient même suggéré des émissions radios. Depuis je ne rate plus ces émissions. Avec mes parents, je ne sais pas par où commencer », explique Dora Kahindo, en peine 17 ans.

Nombreux en parlent avec honte et utilisent un code pour nommer les règles : « Elle est en période lunaire… Stylo rouge…  Elle voit… ». « Je me rappelle que pendant longtemps, on en parlait avec honte. Aujourd’hui encore, beaucoup utilisent un mot de passe ou un code pour nommer les règles. Ces surnoms ne sont pas souvent positives », explique une sœur religieuse, membre d’un mouvement des jeunes catholiques et qui a voulu rester anonyme.

Pas de budget pour la menstruation

Nombreuses de ces jeunes filles partagent chaque mois, le même souci : où trouver l’argent pour acheter les protections hygiéniques pendant la menstruation. Dans un pays où la plupart de famille vivent au taux du jour, il n’est pas toujours évident que le budget lié à la menstruation figure parmi les priorités. Les parents ont du mal à trouver de quoi manger au quotidien ; les frais de lingerie passent ainsi pour un caprice  de jeune fille. « La jeune fille consciente de l’enjeu se sent obligée de se débrouiller en recourant entre autres à son petit ami », s’inquiète Happy Vutseme, membre « Shoot and Root » une organisation qui sensibilise sur l’hygiène et la sexualité responsable.

Certains adultes sont conscients que ce silence est destructeur, qu’il faut briser le mythe mais n’osent pas par pudeur. D’autres disent ne pas avoir le temps matériel de s’entretenir avec leurs enfants. D’autres encore regrettent de n’avoir pas eu assez d’explication sur le fonc­tionnement de leur corps comme témoi­gne la prénommée Alice, une fille mère qui a considéré ses premières règles comme une malédiction : « Ma mère ne m’avais jamais parlé de sexualité. Je m’informais auprès de mes amies qui me donnaient des informations approxi­matives », affirme-t-elle avant d’ajouter, « la première fois que j’ai couchée avec un garçon, j’ai été enceinte. La seconde fois aussi. J’ai mal découvert ma sexua­lité », regrette-t-elle.

Pour certains parents, il y a une évolution dans la société. On voit certains parents qui s’efforcent d’avoir de conversation avec leurs enfants, filles et garçons, sur l’éducation sexuelle. Ceci grâce à la sensibilisation des associations de défense des droits des femmes et des enfants. Selon l’ONG femmes juristes pour la défense des droits de la femme et de l’enfant « il faut parler de l’éducation sexuelle en fonction de la loi sur l’enfant. Si les parents se taisent, il est évident que la rue s’en occupera avec tous les risques à courir ». D’autres pour combler ce vide, sont très accrochés à des émissions des radios ou à des séminaires sur la sexualité.

Umbo Salama


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