Les femmes très absentes des accords de paix en RDC

GENRE ET DVPT

Dans ses recherches sur le genre, la communication publique et processus de paix en RDC, Rose Kahambu Tuombeane révèle des faiblesses majeures dans l’application de ces accords, en particulier la marginalisation des femmes. Aussi la communication autour de ces accords ne tient pas compte des réalités linguistiques locales.

Jeudi 4 Septembre, dans la salle du Cyber de l’Université de l’assomption au Congo (UAC) à Kambali/Butembo, Rose Kahambu Tuombeane, présente les résultats de ses recherches sur la prise en compte du genre et de la communication dans le processus de paix en RDC.  Selon cette chercheure à l’École de Genre de l’Université de Goma (UNIGOM), cette étude vise à analyser l’intervention de la femme et du genre dans le processus de paix en RDC. Elle s’intéresse ainsi aux accords de Pretoria, Sun City et Addis-Abeba. « Aucune paix durable ne peut s’instaurer sans tenir compte des rapports sociaux de sexe et des hiérarchies symboliques qui structurent les sociétés. Les conflits armés exacerbent les inégalités entre les sexes et les violences basées sur le genre, les VBG, un phénomène largement dénoncé en RDC », explique cette experte en genre et développement international.

Genre, communication et processus de paix en RDC © Photo Amisi Jackson/RTNC Butemno

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Aussi, cette recherche interroge la place de la communication publique pour la légitimité, l’appropriation sociale et l’efficacité de ces accords afin de proposer des stratégies à des processus futurs plus inclusifs. « La communication publique est essentielle dans des négociations et des accords. Elle clarifie les enjeux, favorise la compréhension mutuelle, encadre la reddition de comptes et construit un consensus social », embraye-t-elle. Mais Rose Kahambu Tuombeane constate que la communication publique est souvent reléguée au second plan dans les processus de paix en RDC. « Les déclarations tardives, la diffusion limitée, l’accessibilité linguistique réduite et l’absence de dispositifs interactifs ont cédé le pas à la rumeur, à la désinformation ou à l’appropriation élitiste », indique-t-elle.

Sous-représentation des femmes dans les accords

Elle poursuit que les femmes sont largement sous-représentées dans les négociations et les mécanismes de prise de décision lors des accords de Pretoria, Sun City et Addis-Abeba, qu’elles soient comme négociatrices, médiatrices, signataires ou membres de structures de suivi. « Cette faible inclusion a restreint l’intégration des visions et priorités des femmes dans les accords de transition et de gouvernance post conflit », explique-t-elle.

Rose Tuombeane reçoit les compliments de son Mari à la soutenance de son mémoire © Photo Amisi Jackson

Cette étude montre qu’à Sun City il y avait au moins des organisations féminines comme la Synergie des femmes pour la paix et la réconciliation. « Cependant, ils étaient peu nombreux et leur voix était marginale parmi les négociateurs politico-militaires. Certaines revendications portaient sur la parité en politique, la protection contre les violences sexuelles et la participation des femmes dans les institutions de transition, mais elles étaient souvent placées dans des annexes non contraignantes ».

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Cette marginalisation traduit un plafond institutionnel de verre dans les instances de gouvernance électorale durant la transition en RDC (2003–2006). Pourtant la société civile et les forces politiques avaient l’opportunité de promouvoir une représentation inclusive. La CEI (Commission électorale indépendante) est restée un espace dominé par les hommes. Ce qui reflète un déséquilibre structurel de genre. C’est même les caractéristiques des plusieurs institutions congolaises. Comme le souligne Tripp (2015), l’exclusion des femmes des organes décisionnels n’est pas seulement une question de justice sociale, mais a des conséquences concrètes sur la prise en compte des besoins spécifiques des électrices et sur la crédibilité inclusive des processus électoraux.

Des accords peu médiatisés

Rose avec ses camarades de l’Ecole du Genre de l’UNIGOM

La communication constitue un autre souci dans ces accords.  Cette communication était plus diplomatique et centrée sur l’élite, avec peu de diffusion auprès des populations locales. Dans les provinces de l’Est de la RDC, par exemple, un certain nombre de communautés n’ont pas eu accès à des informations compréhensibles sur les engagements. L’absence de traduction dans les langues locales et l’absence de mécanismes participatifs ont contribué à un déficit d’appropriation.

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« Qu’il y ait une bonne communication, que les textes soient traduits dans d’autres langues parlées en RDC, comme le Kiswahili, le lingala… pour que la population puisse comprendre. Il ne s’agit pas seulement de les publier dans des documents officiels, mais aussi d’exploiter les médias locaux, notamment les radios de proximité. Il est important que la population ne se contente pas de savoir que des gestes ont été posés à Doha ou à Sun City, mais qu’elle comprenne réellement le contenu de ces accords. En ce qui concerne les femmes, nous avons également sollicité la mise en place d’un système de contact pour garantir leur implication concrète dans le processus », insiste-t-elle.

Les recommandations de cette expérience convergent : traduire systématiquement les accords dans les langues nationales, faire des centres ou forums de communication sensibles au genre, davantage impliquer les radios communautaires, les leaders locaux et les associations féminines, et reconnaître le rôle stratégique des femmes dans la vulgarisation des textes de paix. Car « éduquer une femme, c’est à éduquer toute la nation. Et donc sensibiliser une femme, c’est sensibiliser toute la nation ».

Umbo Salama


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