A Kinshasa, vers les années 2050, ne soyez pas surpris si la grande partie des identités de la population commence par des qualificatifs tels que honorable, excellence, Madame honorable ou Madame excellence,… La réalité pourra être la même dans des capitales provinciales. Fruit d’un exode rural qui ne dit pas son nom…
En décembre 2023, la RDC va, pour la quatrième fois, renouveler de manière démocratique, son parlement. Après Trois éditions électorales, en 2006, 2011 et 2018, un constat se dégage : « une fois élus, des députés et sénateurs déménagent avec leurs familles pour s’installer dans la capitale ». D’autres vont jusqu’à déplacer leurs parents, oncles et tantes ou même leurs grands-parents et des concubines.
A l’issue de leur mandat, ces élus reviennent dans leurs circonscriptions pour battre campagne afin d’être réélus. Certains vont jusqu’à vendre leur patrimoine et même celui de leurs parents. A l’issue du processus électoral, réélus ou pas, tous retournent vivre dans la capitale. Mais la lutte ne s’arrête pas encore. Il faut maintenant se battre pour occuper des postes dans des cabinets ministériels, des portefeuilles des entreprises publiques de l’Etat,… Partout il faut déposer des pots des vins, de la corruptions,… avec espoir ou pas de trouver un job plus ou moins juteux.
Prenons la calculette
En 2006, l’assemblée nationale a accueilli cinq cent (500) députés qui se sont déplacés avec des membres de leurs familles. A ce calcul, il faut ajouter des suppléants qui avaient remplacé les députés nommés dans des ministères, dans le cabinet du Président de la république ou encore à la direction des entreprises génératrices des recettes. Ces suppléants, à leurs tours, viennent à Kinshasa avec leurs familles, voire leurs copines.
Lire aussi : Du « Peuple d’abord » à « Ma famille d’abord » dans les institutions congolaises
En 2011, seulement 44 députés sur les 500 ont réussi à se maintenir à l’hémicycle. Et donc plus 450 n’ont pas su retourner à l’assemblée nationale. Réélus ou pas, ils ne jurent que par vivre dans la capitale que de retourner dans leurs villages respectifs. Se référant à ces calculs, le Professeur Arsène Mwaka avait déclaré que les probabilités pour un député d’être réélu en RDC sont d’environ 3%. Donc, on est élu tout en sachant qu’on n’aura pas de deuxième chance.
Si on fait des projections vers les années 2050, on voit à quoi va ressembler les habitants de Kinshasa, dix législatives après. Même les anciens députés de la transition, de l’après le dialogue inter-congolais, vivent, avec ou sans emploi, dans la capitale. « A l’assemblée on se familiarise avec un salaire à quatre chiffres. Si je rendre dans ma ville comme enseignant d’école secondaire je vais trouver que le salaire est humiliant », se désole un ancien député de 2006. Coiffé d’un chapeau large bord, pour se faire discret, il venait de commander un morceau de viande et une bière bien fraiche.
Partir pour ne plus revenir
Dans des villes et autres entités, des écoles et universités ne voient plus leurs enseignants qui reviennent pour dispenser des cours, même lors des vacances parlementaires. Des partis politiques aussi se vident, leurs cadres étant restés à Kinshasa. Pourtant la constitution précise que les députés ont deux sessions parlementaires en une année : la session de Mars jusqu’à Juin et celle de Septembre jusqu’à Décembre.
Lire aussi : Trop de députés avec des pages blanches dans le parlement de la RDC
De cette façon, si on veut éviter l’exode rural ou la fuite des cerveaux, il serait mieux de prendre en charge des élus dans la capitale seulement pendant les sessions parlementaires. Lors des vacances, ils s’occupent de leurs anciens emplois et ainsi ils seront proches de leurs bases respectives pour élaborer un bon rapport à la rentrée parlementaire. Dans ce cas, la rémunération des vacances parlementaires ne pourra intervenir qu’à la présentation d’un rapport congruent.
Umbo Salama