Des permis de conduire délivrés en violation de la procédure légale au Nord-Kivu


Pour obtenir son permis de conduire, le service de Transcom s’attèle plus sur l’argent que sur la procédure légale. Une situation qui met sur la route trop de chauffeurs qui ne maîtrisent pas le code avec comme conséquences: des taux élevés d’accidents.

Un reportage de Mumbere Kangitsi Sacré, Kakule Mweusi Daniel, Masika Muhiwa Ornella et Mumbere Kiviriviri Conscience, édité par Richard Muhindo Taghembwa.

Mumbere Kangitsi Sacré, Kakule Mweusi Daniel, Masika Muhiwa Ornella et Mumbere Kiviriviri sont tous étudiants en L2 Communication Appliquée à l’UAC (Université de l’Assomption au Congo)

En scrutant l’actualité diffusée dans des radios, télévisions, journaux et même des médias en ligne,… en ville de Butembo, le taux d’accidents inquiète. Selon le département constat d’accidents du bureau de la PCR (Police de circulation routière), l’on enregistre en moyenne entre 300 et 400 cas d’accidents par an. « 90% d’accidents se produisent la nuit, surtout entre 19h00 et 01h00 du matin. Pour la seule année 2021, seulement sur la rue Président de la République, on a enregistré 54 cas dont une vingtaine de morts », explique l’Adjudant-Chef Matindo Madundo Minos, Chef adjoint du bureau de la Police de circulation routière en ville de Butembo.

Les causes évoquées sont toujours presque les mêmes : excès de vitesse, ivresse au volant, inattention du chauffeur, mauvais état de la route, ou encore la non maîtrise du code de la route. Pourtant, ces chauffeurs possèdent de permis pour conduire des engins roulants sur les routes de la RDC.  

Sur le terrain, chacun accède à ce document à sa manière surtout que « l’État congolais ne met pas de rigueur sur la formation de conducteurs des engins roulants. Sur mille conducteurs on peut facilement dénombrer deux qui ont suivi la formation », embraye notre source au bureau de la PCR.

Pas de conditions nécessaires comme la formation à la conduite des véhicules sur les voies publiques, le test de connaissance du code de la route, les mesures de secours, etc., ne sont pas suivies. Pas d’examens auprès des médecins attitrés, pas de contrôle rigoureux comme le veut la loi. Parfois, c’est même inutile d’aller chercher le service habilité pour obtenir ce document.

L’argent d’abord

Pour savoir comment des chauffeurs accèdent aux permis de conduire, il fallait se rendre au parking des véhicules, voitures et mototaxis. Au parking de l’ACDC (Agence pour la communication et la développement du Congo), par exemple, situé au croisement de la Rue président de la République et la route qui mène à l’évêché du diocèse catholique de Butembo-Beni, certains chauffeurs nous expliquent comment ils sont obtenu leurs permis de conduire

Vendredi 16 juin 2023, à 8h00, nous arrivons dans ce lieu de stationnement des voitures. Assis sur un banc devant le bureau de cette agence, le prénommé Moïse, un des chauffeurs qui vient de renouveler à deux reprises son permis, nous explique : « Une fois au bureau de Transcom (Transport et voies de communication) la première chose qu’on nous demande c’est de l’argent. La deuxième c’est votre identité. Puis, on vous remet un formulaire bien rempli en attendant la remise de la carte de permis de conduire au bout de quelques jours d’attente », explique-t-il.

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Selon lui, c’est dans les rares cas, surtout quand vous demandez pour la première fois votre permis qu’on apporte un petit tableau qui porte les signaux de la route pour voir si le demandeur maîtrise le code de la route pour mériter le document. Il persiste que « c’est d’abord le pognon qui compte ».

Même son de cloche pour M. Benjamin, un conducteur de Moto-taxi rencontré le même avant midi du vendredi 16 juin à leur parking de Kasalala. « Il suffit de vous présenter au bureau de Transcom ou de la DGR-NK avec 20$ et on obtient son permis. Avant qu’on te le délivre, on te demande la marque de ton engin (moto ou voiture) pour qu’ils scellent le document. Aussi ils demandent un 5$ pour je ne quoi. En fait, je crois que c’est de l’escroquerie ! », opine-t-il.

Des associations des mototaxis aussi complices

Pour le taximan Benjamin, le permis de conduire compte moins dans leurs organisations. « Tous les taximen de la ville de Butembo n’ont pas de permis. Il suffit d’avoir son gilet », lance-t-il. Une affirmation que rejette le service de Transcom qui ne trouve pas d’équivalence entre permis de conduire et gilet des associations des taximen. « Le permis est un document recommandé par l’État et est reconnu par la loi congolaise, tandis que le gilet est une tenue conventionnelle entre les membres du groupe pour se distinguer des autres », précise le chef de Bureau de Transcom.

« Tous les taximen de la ville de Butembo n’ont pas de permis. Il suffit d’avoir son gilet » ©Photo Alpha Wvamara

La PCR dénonce, de son côté, l’ingérence de certaines personnalités dans le contrôle des documents des engins roulants. « Quand nous arrêtons quelqu’un parce qu’il n’a pas respecté le code de la route ou parce qu’il n’a pas de documents de bord, nous recevons des ordres de partout pour le libérer. Ça ne nous arrange pas non plus », se désole le chef adjoint du bureau des constats d’accidents à la PCR. Ils citent aussi des taximen qui se soutiennent aveuglément quand leur coéquipier commet un accident. « Ils font tout leur possible pour que leur ami s’évade du lieu de l’accident en abandonnant la victime sur le sol. Quelle cruauté ! », regrette-t-il.

Des procédures légales laissées pour compte

Au service de Transcom, Kambere Muheko Gerlace, du département de délivrance des permis de conduire reconnait que pour mériter ce document il faut débourser 20 dollars américains. « La première condition, il faut exhiber l’ancien permis. S’il n’existe pas, on est soumis à un test. Puis on doit présenter son brevet de formation en matière de conduite des engins roulants. Si ce n’est pas le cas, nous lui demandons la carte de recyclage délivrée par la Police de circulation routière. Ensuite nous demandons la carte d’identité ou son équivalent. Si le demandeur ne remplit pas toutes ces exigences, nous le soumettons à un test oral avant qu’il obtienne une satisfaction à sa demande », égraine-t-il.

Pourtant selon la Police de circulation routière, « logiquement le permis de conduire ne se vend pas, on le mérite ». Pour dire que ne mérite ce document que celui qui a suivi les instructions en matière de conduite automobile et qui a été certifié par l’État. « Le comble est qu’on retrouve des conducteurs avec un permis de conduire et qui vous demandent :  » C’est quoi le code de la route ? » », explique l’Adjudant-Chef Matindo Madundo Minos, avec un brin de sourire au coin de la bouche.

Selon le nouveau code de la route 78-022 du 30 Août 1978, à ses articles 118 et 119 pour mériter un permis de conduire, il faut « avoir subi avec succès un examen non seulement théorique mais aussi pratique ainsi que des notions essentielles sur la conduite automobile ». Ce même code exige un certificat médical qui atteste l’état général et les capacités physiques du demandeur de jouir. Ce texte de loi indique aussi que tout conducteur rencontré sur la route sans permis doit payer l’amande de 20 à 35 Francs fiscaux ou le double en cas de récidive. « On dirait ce que nous payons chez transcom c’est déjà l’amande. Je n’y comprends plus rien », se désole un Taximan, rencontré au rond-point Cathédrale, en plein centre-ville de Butembo.

Mumbere Kangitsi Sacré, Kakule Mweusi Daniel,

Masika MuhiwaOrnella, Mumbere Kiviriviri Conscience


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