En mai et Juin 2022, un groupe de 13 personnalités politiques et de la société civile a proposé certaines reformes à la loi électorale en vue de garantir la transparence aux élections. Parmi ces points, l’interdiction de porter comme suppléant un membre de sa famille,… une option que le G13 n’a pas réussi à faire passer.
Sans surprise, les députés nationaux de la RDC ont refusé une réforme importante. Celle qui veut que le suppléant ne soit pas de la même famille que le candidat. Selon le député Claudel André Lubaya, cela aurait permis d’empêcher certains acteurs politiques de rendre patrimoniale la fonction parlementaire. « Imaginez un clan qui a les moyens de s’accaparer tous les mandats dans une circonscription donnée et de se les partager… Cela jette le discrédit sur l’ensemble de notre système politique », se plaint-il.
Le groupe de 13 députés indique qu’il fallait aider le Congo à rompre avec des pratiques rétrogrades. Pour eux, interdire à un élu de choisir son suppléant parmi ses parents allait permettre de restaurer la confiance et que les électeurs n’auraient plus le sentiment d’être représentés par des gens soupçonnés de travailler pour leurs propres intérêts ou celui de leurs familles respectives plus que pour celui du peuple.
Une pratique immorale
L’élément qui a rendu cette pratique des suppléants familiaux assez flagrant vient des réformes d’avant les scrutins de 2018. Ces réformes ont permis à un même député de briguer plusieurs postes électifs. Être candidat député national en même temps provincial et sénateur. S’il est élu partout ou a deux de ces instances, il cède un siège à un de ses suppléants qui est son épouse, son enfant ou son cousin, par exemple.
Une fois élu, le député se bat pour briguer un nouveau poste, au gouvernement ou dans les établissements publics. Il s’assure que s’il meurt en cours de mandat, le siège revienne à sa famille. Il veille à ce que les avantages de son poste reviennent aux siens. Cela lui permet de maximiser les recettes familiales.
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Pour le député Crispin Mbindule Mitono, il y a aussi un élément de morale. « Je ne peux pas choisir mon premier suppléant mon épouse, mon deuxième suppléant mon fils, non, c’est immoral. C’est pourquoi, je propose qu’un suppléant ne doit pas être un membre de la famille du premier degré, femmes et enfants, non, mais on peut prendre les autres parce que nous sommes les africains. Nos familles n’ont pas de limites parce que quand vous prenez votre femme et que vous êtes nommé ministre où mandataire, et que vous laissez votre siège ici à votre femme ou enfant, c’est immoral », tonne Crispin Mbindule.
C’est devenue la pratique. Dans les cabinets ministériels aujourd’hui, on voit des enfants, membres de famille et autres. Pour Jacques Djoli, c’est la mort de la République. « Le code de conduite de l’agent public classe parmi les agents publics les membres du parlement et l’article 16 du code dispose que l’agent public de l’État doit s’abstenir de toute pratique contraire à la morale et à l’éthique professionnelle comme la corruption, détournements des deniers publics, le favoritisme et le népotisme, c’est interdit par la loi », argumente-t-il.
Parlements des suppléants
Depuis le début de la législature en cours en RDC, au niveau des organes délibérants on retrouve plus des suppléants que des députés. Or, les suppléants n’ont pas forcément des visées politiques au départ. Ils n’ont pas toujours la bonne compréhension des problèmes du pays. Ils n’y étaient pas préparés. Ils ont été mis sur la liste du candidat simplement parce qu’ils sont de la même famille biologique. Raison pour laquelle ils ne savent que faire au Parlement. Ils se retrouvent à gérer des situations et des enjeux politiques qui les dépassent.
Les fils et filles à papa deviennent députés par hasard. L’Assemblée ressemble alors à une boutique familiale, où chacun se sert comme il veut. Où chacun peut exprimer son égoïsme, attendant que papa réagisse comme en famille. « C’est une situation qui est aussi à la base du vagabondage dans des partis politiques. Imaginez ! Vous participez à toutes les activités du parti, vous allez jusqu’à danser pour des personnalités de votre parti. Quand vient le moment des élections, d’abord on cherche des candidats en dehors du parti. Et ces deniers viennent avec leurs proches comme suppléants. Vous commencez à vous demander si vous avez de l’importance dans ce parti. Au finish, vous partez à la première sollicitation », dénonce un membre d’un parti politique.
Pourtant le mandat obtenu par élections est public différent d’un bien privé qu’un parent peut céder à sa progéniture sans rendre de compte à quiconque. Mais cela n’interdit pas aux enfants, aux épouses des députés de faire la politique. « Seulement nous devons éviter de transformer la République en une sorte de monarchie familiale confisquant et transmettant les charges étatiques en donation comme en droit privé sous couvert de suppléance », insiste Jacques Djoli.
« Le peuple d’abord ? ». Il faut déjà oublier ça, à ce niveau. C’est « le député d’abord », disons « la famille du député d’abord ».
Umbo Salama