Victoire Mbuto, ce jeune reporter à icicongo intègre l’équipe de Mongabay Afrique

Victoire Mbuto en pleine interview à Vitshumbi, au Nord-Kivu

Du 8 mars au 8 juin, Victoire Katembo Mbuto a participé au programme de bourses de Mongabay Afrique, un programme de formation et de production en journalisme environnemental, destiné aux journalistes africains. L’objectif de cette bourse est d’aider les journalistes à développer leurs compétences et à produire des reportages sur des enjeux environnementaux pertinents. Dans ce récit, Victoire Katembo Mbuto, étudiant à l’UNIGOM (Université de Goma) et Reporter au média icicongo.net, parle de ce parcours auprès des éminents journalistes.

Au lendemain des affrontements intenses entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et le M23 en fin janvier, tout semble incertain en ville de Goma, au Nord-Kivu. Pas de connexion Internet dans la ville. Je n’ai pas de crédit téléphonique. Pas d’argent dans ma poche. La guerre éclate alors que je venais de postuler au programme de bourses Mongabay Afrique. J’avais presque perdu espoir.

Un lundi du mois de février, un ami m’aide à me connecter. À ma grande surprise, des messages vocaux de l’équipe de Mongabay dans mon compte WhatsApp. « Préparez-vous à passer à l’interview. Votre candidature a été retenue parmi les 300 candidats qui devront passer à l’interview. Vous êtes injoignable sur votre email c’est pourquoi nous vous contactons via WhatsApp », disait l’un des messages.

Mes moyens financiers ne me permettaient pas de payer des crédits pour la connexion internet.  J’ai dû demander de l’aide à ma tante. Des proches m’ont prodigué des conseils pour cette interview en distance. Mais la question de la connexion qui n’était pas stable me rongeait toujours. J’ai donc attendu ce moment historique à la maison. Je n’avais pas d’autres choix.

Le jour de l’interview est enfin arrivé. Des perturbations de la connexion persistaient. Heureusement l’interview s’était bien passée. À la fin, on m’a dit d’attendre les résultats. Puis, le samedi soir, j’ai été agréablement surpris par un message de félicitations : « Vous avez été sélectionné parmi les 12 finalistes sur 300 candidats retenus pour l’interview ». Quelle joie !

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Tout avait commencé par le workshop d’ouverture. Nous avons été accueillis par plusieurs membres du programme de bourses, qui nous ont présenté le fonctionnement et la vision de ce média en ligne. Une occasion pour moi de découvrir l’expansion de la ligne éditoriale de Mongabay ainsi que l’élargissement du réseau de contributeurs. Ce premier contact a suscité mon enthousiasme et ma curiosité pour les projets à venir.

Durant cette période de formation, les boursiers reçoivent une allocation mensuelle et travaillent avec des journalistes expérimentés pour produire trois reportages sur une période de trois mois. J’ai eu le privilège d’être sélectionné parmi les 12 boursiers de la troisième cohorte de ce Média spécialisé dans les problématiques environnementales.

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David Akana, de Mongabay Afrique, nous a également expliqué les opportunités qu’offre le journalisme environnemental, ainsi que l’importance de bâtir un réseau de contributeurs pour ce média en Afrique. Il a également abordé les défis que ce secteur rencontre. « Ce qui fait l’actualité quotidienne aujourd’hui, ce sont les polémiques, le sport, l’économie et la culture », explique David Akana, avant de s’attarder sur la manière dont l’actualité africaine est présentée par les médias occidentaux. « La couverture médiatique des médias occidentaux est souvent négative. Il s’agit d’un récit unidimensionnel où l’Afrique est dépeinte comme un continent ravagé par la guerre, la maladie et la pauvreté, où les voix de ses habitants sont quasiment absentes », ajoute-t-il.

Akana souligne ainsi l’importance d’une représentation plus nuancée et diversifiée de l’Afrique, qui reflète les réalités complexes et les réussites du continent, tout en mettant en lumière le potentiel du journalisme environnemental pour contribuer à ce changement.

« Accrochez-vous. Ça va aller »

Mongabay est une nouvelle opportunité professionnelle. Chaque lundi et jeudi, des workshops sont au rendez-vous. Nous apprenons des pratiques du journalisme environnemental pendant environ deux heures. En tant qu’étudiant à l’université de Goma, je devais donc bien gérer mon temps. Tantôt à l’école, tantôt au terrain. Le contexte sécuritaire aussi alarmant.

Avec un faible débit de connexion et parfois des coupures du courant, je n’avais pas d’autre choix que de m’adapter. Pendant les séances, la cheffe du programme, Juliette, m’a encouragé plus d’une fois de ne pas baisser les bras. « Victoire, merci d’être avec nous malgré le contexte sécuritaire à Goma ». C’était vraiment une source de réconfort. Lorsque la connexion était perturbée, elle m’écrivait. « Accrochez-vous. Ça va aller. Si la situation persiste, vous pourrez suivre la vidéo intégrale du workshop que nous enregistrons ». Ses mots pleins d’humilité m’ont beaucoup aidé à surmonter ces défis.

L’autre défis. Je n’avais pas suffisamment d’outils de travail. Mon seul équipement était un petit téléphone, ce qui rendait le suivi des workshops difficile. Quelques jours plus tard, j’ai signé mon contrat, et cela m’a redonné espoir dans un monde où tout semblait perdu. Quelques jours après, j’ai réussi à me procurer quelques outils de travail plus adaptés.

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Parmi les 12 boursiers, nous n’étions que deux Congolais. Juliette nous encourageait toujours à mieux nous connaître. Elle soulignait que le journalisme environnemental est un véritable travail d’équipe. « Prenez plus de temps de vous connaître. Le journalisme environnemental c’est un travail d’équipe », insistait-t-elle plus d’une fois. Cela nous a permis de créer des liens, surtout en raison de la diversité des pays africains représentés. Au fil des semaines, les échanges entre nous se sont intensifiés, et une camaraderie naturelle s’est installée. « J’ai vu une voie s’ouvrir devant moi, pleine de promesses et d’opportunités ».

Nos premiers workshops étaient marqués par les messages de félicitations de l’équipe de Mongabay Afrique, ainsi que des enseignements sur la ligne éditoriale et les différents genres du journalisme scientifique. Nous avons pris le temps de nous familiariser avec ces concepts.

Des rencontres avec des éminents journalistes

En effet, le programme des bourses Mongabay Afrique a été une période d’apprentissage enrichissante sur le journalisme environnemental. Ce programme se concentre principalement sur le changement climatique, ses causes, ses impacts et les moyens de l’atténuer. Selon David Akana, Directeur de Mongabay Afrique, le journalisme environnemental intègre également les dernières prévisions environnementales, les données scientifiques, ainsi que les rapports sur les sommets et les conventions climatiques. « Ce type de journalisme s’intéresse aussi à des problématiques de la déforestation, les catastrophes naturelles, l’insécurité alimentaire, la pénurie d’eau, la croissance démographique, la sécheresse, les inondations, la hausse des températures, l’élévation du niveau de la mer », explique-t-il.

Ces rencontres avec des éminents journalistes ont enrichi ma compréhension des enjeux environnementaux et ont renforcé mon engagement à en parler de manière responsable et impartiale. J’ai appris que pour raconter une histoire sur le changement climatique ou une innovation agricole, il est important de prendre le temps de poser les bonnes questions afin d’éviter de tomber dans la communication superficielle au détriment de l’information authentique. « Pensez à un endroit spécifique et vérifiez comment ce lieu a changé à cause du changement climatique. Réfléchissez à ce que vous avez utilisé pour constater ce changement : comment avez-vous goûté, senti, vu, touché ou attendu ? Demandez-vous comment ce changement vous a touché et quelles émotions cela a suscité en vous », conseille David Akana.

Le journalisme environnemental, un travail rigoureux

Un journaliste environnemental doit toujours être informé des dernières actualités dans un secteur précis et savoir identifier les sujets peu couverts. Il est essentiel de surveiller les conférences scientifiques pour avoir l’opportunité d’interviewer des experts et ainsi enrichir ses connaissances. « Construire un réseau de sources fiables est crucial. Cela permet non seulement d’obtenir des informations de qualité, mais aussi de favoriser des échanges enrichissants qui peuvent éclairer des enjeux complexes », explique Fulbert Adjimehossou, chargé de vulgarisation scientifique avant de nous encourager à configurer les alertes sur les moteurs de recherche et les bases de données des différentes revues scientifiques.

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J’ai aussi appris qu’un reportage axé sur les solutions se concentre sur une réponse particulière à un problème social. Ce reportage analyse son efficacité de cette réponse et les raisons pour lesquelles elle a pu échouer. Contrairement à une simple célébration des réussites, le journalisme des solutions vise à fournir des enquêtes qui offrent des informations précieuses et qui permetent ainsi aux communautés de mieux comprendre et de s’attaquer aux problèmes qui les touchent. Comme le souligne Monsieur Aimable, journaliste chez Mongabay, cette approche est essentielle pour éclairer les voies possibles vers un changement positif.

« Un bon reportage sur le journalisme de solution doit identifier le problème environnemental. Se poser la question de savoir quels aspects ne sont pas pris en compte dans le débat public puis chercher à savoir s’il existe des solutions dignes liées à ce problème. Évaluer la solution puis faire le travail classique du journaliste », indique Charles Kolou, un journaliste et chercheur.

Réticence des sources, une mer à boire et une nouvelle école

Le journalisme environnemental dans une région marquée par des conflits armés n’est pas une tâche facile. Il était essentiel de rassurer les sources sur leur sécurité, tout comme je dois m’assurer de me protéger moi-même. J’ai compris que la confiance est précieuse dans ce type de reportage. « Établir un lien solide avec mes interlocuteurs m’a permis d’accéder à des informations précieuses, malgré les défis. La persévérance et l’empathie ont été mes alliées dans cette quête de vérité ».

Je viens de travailler sur trois sujets différents. Cependant, lorsque je contacte certaines personnes ressources pour des interviews, je rencontre des refus, souvent justifiés par la situation sécuritaire. « Bien que cela me bloque parfois, je ne baisse pas les bras. Je cherche des moyens pour contourner cet obstacle ». Dans mes publications, il m’est arrivé de réécrire certains points pour qu’ils soient compréhensibles. Parfois, il faut en effet expliquer des concepts complexes.

Sur le terrain, tout comme lors de mes travaux pratiques à l’école, j’ai appris à garder la tête haute, même dans les moments difficiles. Un peu de retard ? Pas de souci, c’est le moment de rattraper le temps perdu ! Comme dirait un sage : « Il n’y a pas de chemin trop long si l’on avance pas à pas ».

Victoire Katembo Mbuto