Ces nouvelles semences qui boostent la culture du riz au Nord-Kivu (RDC)

Champ de riz à Beni ©GreenAfia

Grâce à des variétés adaptées comme NERICA 4 et IRAT 112, la riziculture recouvre son souffle au Nord-Kivu, dans la partie orientale de la RDC. Ces variétés résistent aux maladies et aux effets climatiques comme la chaleur et les pluies abondantes qui s’improvisent souvent dans le cycle cultural. Ce reportage d’Hervé Mukulu a été réalisé grâce à l’appui de Pulitzer Center Reporting on Crisis.

Dans la vallée de Kyatenga, une entité qui débouche sur la frontière entre la RDC et l’Ouganda, en territoire de Beni (Nord-Kivu), Kasereka Kasivirehi y cultive du riz depuis 2014. « Le riz, c’est toute ma vie », croit-il comme fer. Père de trois enfants, il reçoit chaque saison la semence grâce à la LOFEPACO (Ligue des organisations des femmes paysannes du Congo). Cette organisation rachète ensuite sa production à un prix, que Kasivirehi juge équitable. « La LOFEPACO nous donne de la semence et achète notre production. Ce qui nous permet de mieux vendre », explique-t-il.

Dans cette zone, des riziculteurs font face à plusieurs défis. Ils doivent d’abord travailler sous une forte chaleur dans cette plaine située dans le bassin du Nil. Aussi la zone enregistre des pluies abondantes et imprévues. Autre défi est qu’une plante parasite appelée « Kayongo (ou striga) » envahit souvent des rizières. « Quand la sécheresse dure trop longtemps, nous demandons aux chefs coutumiers d’intervenir pour qu’il pleuve », affirme-t-il.

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Dans le Graben, le Kayongo (ou striga), à la fois une mauvaise herbe et un parasite, pose problème. La technique actuelle pour lutter contre cette parasite repose sur des sarclages réguliers. « Après un sarclage, la plante ne repousse pas immédiatement, mais ses rhizomes souterrains se propagent et freinent la croissance des cultures voisines, comme le riz », précise Kasereka Muhongya, agronome à la LOFEPACO.

Pour Kasereka Kasivirehi, le changement climatique impact aussi la culture du riz dans la zone de Kyatenga. Selon lui, la production n’est plus la même dans la région. « Généralement quand je sème sur un espace de 12 parcelles, je récolte 12 sacs de riz. Mais quand il y a trop de soleil, la production est divisée par deux », explique-t-il.

Kasereka Kasivirehi dans un entrepôt de riz de la Comiseriz à Kyanzaba (territoire de Beni) ©GreenAfia

De plus en plus des semences adaptées

Sous un soleil de plomb, aux environs de 12 heures, près de Kyanzaba, dans la plaine du territoire de Beni, M. Mumbere, vêtu d’un chapeau large-bord, nous accueil dans son champ. Il nous explique que dans cette région, la culture du riz se fait généralement en deux saisons : celle de mars et celle de septembre. Aujourd’hui, ce cycle cultural connaît une perturbation.

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Pour lutter contre ces perturbations, Kasereka Muhongya, agronome à la LOFEPACO, suggère la réadaptation des techniques culturales. « Par exemple, pour limiter le dessèchement, il faut utiliser des matières organiques comme le compost ou le fumier des chèvres. Aussi, les agriculteurs doivent privilégier les bas-fonds et les vallées qui produisent même en contre-saison. Ils doivent aussi opter pour des variétés à cycles courts », conseille-t-il. Cette stratégie permet de faire face aux brusques changements de temps, qu’il s’agisse d’une pluie imprévue ou d’une sécheresse prolongée.

Il sied de noter que la LOFEPACO met à la disposition des riziculteurs des machines pour cultiver et semer. Aussi, elle leurs distribuent des nouvelles variétés de semence. « La culture du riz demande un suivi permanent. Je ne connais pas le nom exact des variétés, mais la LOFEPACO nous donne des semences qui arrivent à maturité en six mois, et d’autres en trois mois », explique Kasereka Kasivirehi.

Des nouvelles semences comme IRAT 112 et NERICA 4 connaissent un boom dans le secteur du riz. Ces semences résistent aux maladies et aux ravages des rats. Elles s’adaptent aussi aux aléas climatiques : par exemple, si en trois mois il y a trop de soleil, NERICA 4 est capable de retarder sa maturation de quelques semaines et protègent ainsi des épis.

Ce graphique illustre les différences entre les variétés NERICA 4, IRAT 112 et le riz local en termes de rendement moyen, de tolérance à la sécheresse (échelle 1-5) et de durée du cycle végétatif (en jours). On observe que l’IRAT 112 affiche le rendement le plus élevé, tandis que le NERICA 4 présente la meilleure tolérance à la sécheresse et un cycle plus court, ce qui le rend adapté aux zones sujettes à des périodes sèches. Le riz local, bien que très adapté au terroir, reste en retrait sur le rendement et la résistance à la sécheresse.

Améliorer la vie des riziculteurs

Kavira Kasaha Léonie, vice-présidente de la Comiseriz (Coopérative des multiplicateurs de semences de riz) à Kyanzaba, à une vingtaine de minutes de voyage de Beni, indique que sa structure a été créée suite à la rareté et à l’épuisement des semences de riz. « Il arrive que certains cultivateurs mélangent les semences et n’en prennent pas bien soin. Ce qui réduisait souvent les rendements », indique-t-elle.

Elle poursuit que les semences que son association multiplie provient de de l’INERA Yangambi, dans la province de la Tshopo. « Les anciennes variétés mettaient six ou sept mois pour arriver à maturité. C’est pourquoi nous avons opté pour des variétés à cycle plus court, de trois à quatre mois. Nous cultivons aujourd’hui NERICA 4, IRAT 112 et Lyoto, qui s’adaptent bien à notre région », explique-t-elle.

Tout cela est possible grâce à certains partenaires du domaine agricole : PASA (Projet d’appui au secteur Agricole), SENASEM (Service national de semences) et LOFEPACO (Ligue des organisations des femmes paysannes du Congo). Ces organisations fournissent des semences, et apprennent à les multiplier. Elles supervisent et certifient les champs et les productions.

La Comiseriz est ainsi devenue une référence dans la distribution de semences dans cette partie du Nord-Kivu. Cela a contribué à améliorer la vie des riziculteurs. « Notre niveau de vie a changé. Avec les anciennes semences comme Mayangose, un hectare produisait 10 sacs, soit 1 000 à 1 500 kg. Aujourd’hui, nous obtenons 2 500 à 3 000 kg sur la même étendue », se félicite-elle.


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