[Blog] : La campagne électorale de décembre 2023 et ses moments délirants en RDC
En RDC, le 18 Décembre 2023, les rideaux sont tombés après un mois de campagne électorale. Cette course électorale a permis d’apprendre davantage sur la personnalité des candidats que sur leurs programmes. Retour sur différents faits marquants de cette ambiance politique…
Ce 20 novembre 2023, il est 0h00 en cellule Furu, dans la partie nord de la ville de Butembo. Des baffles installés sur le véhicule Fuso estampillé aux couleurs de l’UDPS réveille la population. « Fatshiii Tsisekediiiiiiiii… Fatshiii Tsisekediiiiiiiii… Tsilombo Fatshi Béééétooon », crache ces baffles sur un fond musical saturé. La ville entre ainsi dans la campagne électorale pour une durée d’un mois.
La campagne est maintenant officielle et s’intensifie. On enregistre des meetings et grandes réunions populaires, des caravanes ainsi que des passages dans des médias des candidats aux élections, … Des affiches et tracts portant les numéros des prétendants à telle ou telle institution colonisent tout. Ils sur des grosses bâtisses, des grands carrefours et coins chauds des villes, des clôtures ou même de parebrises des véhicules… Des T-shirts et chapeaux ont aussi fait la mode.
Du populisme d’abord…
Félix Tshisekedi lui-même a vu les choses en grand dès le premier jour, avec un meeting au Stade des martyrs à Kinshasa. Dans le même temps, un de ses principaux challengers, Martin Fayulu, haranguait les foules dans une province voisine, à Bandundu. Le lendemain, c’est l’autre opposant au régime, M. Katumbi, qui entre en jeux avec un grand rassemblement à Kisangani.
En effet, la campagne présidentielle a pivoté entre quatre grandes figures. D’un côté, Félix Tshisekedi, en quête de réélection. De l’autre, l’opposition. D’abord Moïse Katumbi, Président du TP Mazembe (une équipe du football en RDC) et qui critiquait le bilan de Félix Tshisekedi, puis Martin Fayulu, amer depuis sa défaite en 2018, et le discret Dr. Mukwege complètent le tableau politique.
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Aussi, la danse des ralliements a animé la campagne. Les 26 prétendants à la présidence sont passés à une troupe de 19 candidats. Sept d’entre eux ont fait une pirouette hors de la course : certains pour applaudir soit Félix Tshisekedi, candidat à sa propre succession, soit l’opposant Moïse Katumbi.
Les enjeux nationaux, entre la nationalité douteuse (loi sur la congolité) et la vie sociale de la population, ont oscillé entre les mains des politiciens électoralistes préférant le populisme aux grandes problématiques attendues.
Des intrigues dons…
Lors de cette campagne électorale, l’atmosphère était singulière. Dès le début, les projets n’étaient pas nettement définis. Des rassemblements étaient en marche. Tout était axé sur la bataille politique des mots et des coups. Mais aussi, on a enregistré l’arrivée des candidats improvisés à la recherche d’un salaire faramineux.
Dans les rues, les candidats ont rivalisé différemment. Les panneaux se sont entremêlés, créant un tableau coloré dans des villes et villages de la RDC. Certains candidats sont allés jusqu’à distribuer des préservatifs estampillés à leur effigie.
Des électeurs, en quête de cadeaux, ont transformé les discours en dons aux vulnérables. A chaque activité des candidats, ils s’attendaient à une quantité de sel, sucre ou pagnes…
Face à la population congolaise, dont les deux tiers sont plongés dans la pauvreté, des candidats ont formulé des engagements plus ou moins similaires à ceux de ses concurrents : garantir la paix, créer des opportunités d’emploi, développer les infrastructures routières, éducatives et médicales.
Violences et discours de haine
De leurs côtés, des réseaux sociaux ont ajouté une touche à cette course politique. Des insultes aux faux sondages, en passant par des sexe-tapes et faux documents circulaient dans différents groupes whatsapp, groupe Facebook et compte Twitter et TikTok…
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Les préoccupations étaient nombreuses face aux « discours de haine », accroissant ainsi les risques de violences entre les électeurs. La responsable de la Monusco, Bintou Keita, avait même partagé sur son compte X son inquiétude face à ce genre de discours et à l’escalade potentielle de la violence.
Un exemple marquant : les partisans de l’UDPS avaient mis le feu aux poudres (et aux véhicules) à Lubumbashi pour manifester leur désaccord avec la campagne de Moïse Katumbi. Et comme si cela ne suffisait pas, d’autres rebondissements avaient égayé la scène à Muanda, le 12 décembre, avec des opposants manifestant leur mécontentement au meeting de Katumbi.
Le 28 novembre, un membre du parti de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République, avait perdu la vie pendant un meeting de Moïse Katumbi à Kindu, dans le Maniema.
Martin Fayulu et Denis Mukwege, opposants notables, avaient formulé des accusations selon lesquelles le gouvernement aurait ordonné la réquisition des réserves de carburant dans tous les aéroports, entravant ainsi la campagne de leurs adversaires. Cette campagne a été comme un feuilleton à suspense…
Umbo Salama