Au Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo, de plus en plus des jeunes se radicalisent. Certains promettent ne pas se rendre dans des bureaux de vote le 20 décembre prochain. Pour eux, il y a un grand écart entre leurs attentes et des retombées électorales.
Dans des rues, avenues, taxis-voitures, bistrots, buvettes et même dans des milieux de service… des discussions tournent autour de la tenue ou pas des élections en RDC ce mercredi 20 décembre 2023.
« Des élections auront-elles vraiment lieu ?… Les matériels sont-ils déjà déployés ?… Est-ce que ces élections seront vraiment crédibles ? … », autant de questions qui reviennent souvent. De son côté, la CENI (Commission électorale nationale indépendante) rassure que « les élections auront bel et bien le 20 décembre ».
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L’autre point qui intervient souvent dans ces discussions c’est la motivation de voter ce 20 décembre. Chacun a ses raisons. Pourtant ces jeunes sont très présents dans des activités de tel ou tel candidat.
Insécurité chronique
En effet, la partie Nord de la province du Nord-Kivu est aujourd’hui coincée entre deux guerres avec des grandes conséquences sur l’économie et la survie de la population. Au Nord, les ADF tuent à Beni ainsi qu’en Ituri. Une situation qui rend difficile l’accès à certaines entités du Nord-Kivu, Ituri, Tshopo, … Vers le Sud, le M23 est très actif à Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, à l’entrée de la ville de Goma.
A Beni, par exemple, suite à la guerre des ADF, des habitants ont abandonné leurs champs ou ont fermé leur commerce. Alors qu’ils espéraient voir la situation se stabiliser au changement des gouvernants en décembre 2018, ils sont surpris de voir que les attaques se durcissent même à cette veille des élections de 2023. « Le président Félix Tshisekedi nous avait promis la paix et la sécurité. Depuis qu’il est au pouvoir la situation ne s’est jamais améliorée. Ce ne sont pas les élections qui vont améliorer notre vie ici à Beni », regrette Asifiwe Wasingya, un jeune de Beni.
Comme lui, plusieurs jeunes de cette zone ne trouvent pas la nécessité de se rendre aux urnes ce 20 décembre. « D’ailleurs en 2018 on nous avait privé de voter pour le président. Pourquoi c’est une nécessité pour cette année ! », s’exclame un jeune, pourtant présent dans la caravane d’un député en ville de Butembo.
Au-delà de l’insécurité, le gouvernement n’a rien construit en termes d’infrastructures dans les villes de Beni et Butembo. A part la nomination de quatre ministres originaires (Mbusa Nyamwisi, Julien Paluku, Nzangi Muhindo et Catherine Furaha), la mécanisation de deux universités privées, notamment l’Université catholique du Graben (UCG) et l’Université adventiste de Lukanga (UNILUK), l’adhésion du pays à l’EAC (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Est) … Mais ces actions sembler profiter à un groupe de gens et non aux citoyens ordinaires.
Les jeux sont joués d’avance
Pour d’autres jeunes, ça ne sert à rien de voter. Pour eux, ceux qui vont gagner les élections sont connus d’avance. « Je ne peux plus voter. C’est du temps perdu ! », rétorque un jeune conducteur de mototaxis, nous transportant sur la route Butembo – Vuyinga, une route en terre battue, parsemée des bourbiers et infectées des miliciens Maï-Maï qui exigent des taxes et contrôle des pièces d’identités à tout passant.
Nos interlocuteurs poursuivent qu’ils ont été déçus des résultats des élections de 2018. « En 2018 j’étais parmi des agents électoraux de la CENI. Nous avons été surpris par la proclamation des résultats alors que nos chefs nous disaient que les colis des bulletins de vote étaient encore en route pour Kinshasa », explique ce jeune, trentaine d’âge, rencontré en ville de Butembo.
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Même son de cloche pour Kasika Sivyolo. Mère de trois enfants, elle croit fermement que la tricherie est toujours au rendez-vous dans des élections en RDC. « Je n’ai pas voté en 2018. Même en décembre 2023 je crois que je ne vais pas voter… Élections toujours truquées, de très longues files pour voter… », regrette-t-elle. « Moi aussi en 2018 je ne l’avais pas fait pour des raisons d’incertitude aux résultats », rétorque une autre dame.
Manque de foi en la démocratie
Nombreux de nos interlocuteurs parlent des raisons personnelles. Si certains indiquent que le 20 décembre il y a des probabilités qu’ils résident loin de leurs bureaux de vote, d’autres fustigent la longue fils d’attente devant les bureaux de vote. « Moi, c’est ma troisième fois de m’enrôler, et ce sera ma troisième fois de ne pas voter », se radicalise cet étudiant en informatique dans une institution supérieure de Goma.
Alphonse Kasekwa, un habitant de Beni reste critique sur les retombées des élections. « Toutes les deux dernières fois je m’était fait enrôler sans voter. Manque de foi en la démocratie. Mais cette fois-ci j’ai été radical, car je ne me suis même pas fait enrôler ».
Plusieurs jeunes que nous avons rencontrés indiquent que des raisons pour ne pas voter sont multiples. « En 2018, quand je me dirigeais vers le bureau de vote, un ami m’avait proposé un verre de bière. Et la journée s’est clôturée sans que je vote… La même situation peut se présenter encore ce 20 décembre… », indique un autre jeune universitaire. Participer à la campagne électorale est une chose, se présenter au bureau de vote et aller jusqu’à voter, en est une autre.
Rédaction icicongo.net