Vitshumbi, une enclave de pêche coincée entre le lac, le parc et le M23

L’enclave de Vitshumbi, située à environs 130 Km au Nord de Goma, à la côte Ouest du Lac Edouard s’étouffe. Depuis le début des hostilités entre les FARDC et le M23, cette cité de pêcheurs est coupée des villes dont dépend sa survie.

Vitshumbi, dans le Parc National de Virunga, en territoire de Rutshuru, en chefferie de Bwito, est un terminus. L’unique piste qui mène vers cette enclave s’arrête là. Devant : le lac Edouard, ses pêcheurs, ses hippopotames. Derrière, c’est le Mouvement du 23-Mars (M23), des checkpoints, une route déserte et des colonnes de rebelles et miliciens.

L’unique piste qui relie cette pêcherie à la route nationale s’appelle Ndeko. Il faut quitter Rwindi et prendre la direction de Goma. Au PK 17 (point Kilométrique 17), il faut bifurquer à gauche. Après 15 Km de voyage sur cette piste qui vous offre une vue impeccable de la flore et la faune, vous arrivez à Vitchumbi.

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Des vestiges de l’époque belge font office de bureaux. Les responsables de l’administration reçoivent leurs rares visiteurs dans ces bâtiments en voie d’effondrement avancé. Les données statistiques de l’État civil de la place précise que la superficie de la localité est de 3 Km² avec 23 933 habitants qui s’expriment pour la plupart en Kiswahili. « Cette langue est parlée par une grande partie de la population de cette localité. Le Kinande, Kihunde, Lingala sont aussi parlés cette cité lacustre », explique Kalebu Hangi Kafa. Ici des femmes occupent 54.3℅ de la population.

Selon certains sages de la place, le terme Vitshumbi vient du Kihunde. « Auparavant on disait “Kifumbi” qui veut dire “Chaise” car des gens se reposaient ici avant  ou après la traversée du lac », explique Kalebu Hangi Kafa, un des notables de la place. La même source précise que ces sont des colons belges qui avaient dénommé cette agglomération “Vitshumbi” car, selon eux, le sol de ce village a la couleur du sel.

Tout tourne autour de la pêche  

A Vitshumbi, la vie tourne autour de la pêche sur le lac Edouard. Le parc étant classé au patrimoine mondial de l’Unesco, les règles sont strictes et ses gardes veillent au grain. « Nous n’avons pas le droit de faire autre chose que la pêche ici, pas d’agriculture, rien. On doit tout acheter », explique Joseph Muhindo, président de la société civile locale.

Il explique ensuite comment le poisson frais, déchargé à Vitshumbi, est rembarqué aussitôt fumé sur des pirogues. Direction Nyakakoma, une autre pêcherie sur lac Edouard, à 30 Km de Vitshumbi, pour contourner les barrages de l’armée. Arrivés dans cette pêcherie, les paniers de poisson sont rangés sur des motos et entrent en zone M23… Direction Goma. « D’autres colis viennent à bord des véhicules jusqu’à Kibumba. De là, ils sont pris sur des motos tricycles jusqu’à Goma », explique Joseph Muhindo.  

Avant la guerre, la plupart des produits de base (farine, huile, savon, etc.) arrivaient par camions directement de Goma, par la route nationale. Aujourd’hui, ils empruntent des chemins compliqués depuis la frontière ougandaise, entre des lignes de front. « De fois nous accédons aux produits manufacturés (matelas, les sucres, boissons,…) à partir de l’Ouganda après la traversée du lac », indique le président de la FEC (Fédération des entreprises du Congo) de la place.

L’économie à l’arrêt

Aussi, la localité de Vitshumbi est considérée comme un centre de négoce. Les activités commerciales s’y déroulent plus dans des boutiques dans des quartiers. Des vendeuses des poissons et ceux d’autres produits alimentaires écoulent leurs marchandises dans des parkings public aux heures matinales et le soir au marché central ainsi que dans l’enclos du débarcadère. Aujourd’hui, ces endroits ne connaissent pas le même engouement. L’économie est presque à l’arrêt.  

Selon Justin Muhindo Muvunga, Ingénieur en matière d’environnement et certains organisations de pêcheurs, depuis le début des hostilités entre le M23 et les FARDC, des familles de pêcheurs mènent une vie de misère causée par une insuffisante production des poissons. « Cette crise économique est causée par la pêche illicite, la multiplicité des pirogues et l’utilisation des filets inferieurs non appropriés », insiste Justin Muhindo Muvunga. Plusieurs enfants abandonnent ainsi l’école et se livrent aussi à des pêches illicites ou adhèrent à des groupes armés.

Victoire Katembo Mbuto