Nord-Kivu : Ces mobilisations « trompe-l’œil » des candidats députés


Au Nord-Kivu, durant la période de dépôt de candidature à la députation nationale, des politiciens ont trainé des foules dans différentes artères, rues et avenues. Ils expriment ainsi leurs capacités de mobiliser des électeurs et d’intimider leurs adversaires. Tout est donc fait prêt pour se faire remarquer.

C’est devenu la norme. Pour retirer des formulaires ou déposer sa candidature au BRTC (Bureau de traitement des candidatures), des politiciens trainent derrière eux des foules. Décorés aux couleurs du parti politique, sous le rythme de la fanfare, hommes et femmes, jeunes et vieux, sous un soleil de plomb, bravent la chaleur ainsi que la poussière. Des baffles montés sur des véhicules Fuso ou sur des bus et qui raisonnent en tue-tête le nom du candidat, ouvrent la marche. A l’issue de la manifestation, la foule se rassemble, soit pour un verre de rafraichissement ou pour les frais de transport.

Ces scènes sont visibles dans les artères et rues de Butembo en cette période de dépôt de candidature pour les élections législatives prévues en décembre 2023. Des pasteurs, des guérisseurs traditionnels et même des marabouts ou féticheurs sont aussi mis en contribution. Objectif, obtenir la bénédiction des dossiers avant le dépôt au BRTC. Des partis politiques sont ainsi en ébullition. On a même oublié que la zone est sous Etat de siège qui restreint certains rassemblements et manifestations publiques.

Tickets gagnants… bulldozers… Terminator

Des slogans évocateurs sont aussi brandis : « Notre ticket Gagnant… Notre candidat Bulldozer,… Terminator,… Noah,… Coup-franc,… ». « C’est une nouveauté pour ce processus électoral. Je ne savais pas qu’un candidat pouvait traîner derrière lui des foules aussi immenses uniquement pour aller retirer des formulaires », s’étonne John Kameta, président de la société civile en commune de Bulengera.

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Ces futurs candidats vous embusquent presque partout. Avec un sourire, ils vous parlent de leurs visions. Des conférences, meetings et réunions sont tenus presque chaque jour et relayés sur des réseaux sociaux. Des dons sont aussi donnés à des mutualités, quartiers et avenues. Ils vont de construction des ponts à la dotation des corbillards en passant la distribution des bonbons, des caisses de bière, des bidons de boissons Kasikisi (bière locale à base des bananes) et réhabilitation des avenues, caniveaux et sources d’eau potable.

« Pour qu’on sache que nous sommes là… »

Pour nombreux politiciens, trainer les foules c’est une manière d’exprimer en public sa force politique mais aussi d’inquiéter les adversaires. « C’est la politique. Si tu rêves tu restes. C’est comme un combat sans loi. Et cette foule, c’est une façon de montrer que je suis à mesure de gagner et de faire gagner le parti », rétorque un candidat.

Tout est donc fait prêt pour se faire remarquer. Des drapeaux des partis politiques, des images des futurs candidats colonisent tout. Ils sont flottent dans tous les carrefours et points chauds de la ville, d’autres sont accrochés sur des toits des maisons ou des échafaudages des chantiers d’immeubles en construction. D’autres encore sont placés sur des véhicules et motos.

Dans ce Twitter l’auteur précise qu’ici le peuple fait confiance à une nouvelle classe

Sur les antennes des radios locales, les représentants des partis y sont très présents. Ils y achètent des espaces pour diffuser leurs programmes et vantent à longueur des journées les actions de leurs leaders. « C’est pour qu’on sache que nous sommes là », explique un membre d’un parti politique. L’ambiance est déjà à la campagne électorale.

Mobiliser contre de l’argent

Pour certaines sources, ces bains de foule prouvent qu’il y a une maturité électorale qui s’instaure de plus en plus dans cette zone. « La population veut montrer qu’elle est prête à accompagner le candidat qu’elle trouve digne de la représenter », indique Musondoli Tsongo Mukulu, membre de la société civile.

Pour d’autres, ces foules se mobilisent derrière l’argent et non l’idéologie et ne sont pas obligées d’accompagner des candidats même qu’elles ne portent pas au cœur. « Observons toujours, nous allons sans doute assister certains qui ne trouveront pas des gens pour les accompagner », indique Silvie Kavusa, ancien membre du PPRD, un parti politique qui vient de refuser de participer à ces élections. « Tu peux aussi traîner autant de gens, mais ne t’étonne pas si tu échoues aux élections » embraye Musondoli Tsongo Mukulu.

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Certains vendeurs au marché vont jusqu’à abandonner leur travail pour accompagner des politiciens. « Ici on sait qu’on va gagner entre 3000 et 5000 Fc pour un candidat. Si on accompagne deux ou trois candidats, on aura au moins 10 000 Fc ou 15 000. Ce qu’on ne gagne pas chaque jour. Et puis ici c’est trop sûr », explique Désanges Bahati, rencontrée au BRTC de Butembo. Des groupes et des associations se sont même constitués avec des tarifs bien clairs. « Des politiciens nous connaissent bien. Ils ont l’habitude de faire appel à nous même quand ils reviennent ici pour des vacances. Nous c’est l’argent qui nous intéresse », indique Flamme Isse Mwami, qui a participé à plus de cinq défilés des candidats.

De plus en plus des critères de proximité et de moralité

Sur le terrain, la réalité diffère. « Ce sont les mêmes personnes que nous voyons dans ces cortèges des députés. Nombreux sont nos amis. On se connaît très bien », explique Mumbere Kapalata, un mécanicien des motos sur la rue Père Jérôme Masumbuko, la rue qui mène au BRTC Butembo. Pour lui, ces cortèges des candidats ne peuvent servir de pronostic pour ces élections. Sur le terrain, des partis au pouvoir comme ceux de l’opposition sont en équilibre de force dans l’opinion.

Une foule à l’écoute d’un candidat © Photo Umbo Salama

Aussi des critères de choix des candidats, même s’ils ne sont pas structurés ont des points de convergences dans plusieurs quartiers : Bonne moralité, proche des habitants, écoutez et bien orienter des problèmes de la communauté,… « Une fois élu, nombreux fissent dans la polygamie, la pédophilie,…  D’autres méprisent leurs électeurs et les prennent pour des sous hommes… D’autres encore deviennent des donneurs des leçons… », s’indigne Kakule Kaghoma, un habitant de Katwa. Ces arguments reviennent dans plusieurs discussions sur le profil des candidats de la ville de Butembo et dans les environs.

Certains habitants disent qu’ils ont besoin d’un autre dynamisme politique, des nouveaux discours qui sont plus ou moins pratiques et réalistes. « Par exemples ici chez nous vers Furu, Kalemire, Kitatumba, Mutsanga,… Ce sont les mêmes personnes qui parlent, qui nous dictent ce que nous devons faire, qui nous devons obéir,… Et cela pendant plus de 20 ans. Mais nous ne voyons pas réellement à quoi ils nous sont importants… Je crois que nous devons faire confiance à d’autres gens si nous trouvons qu’ils peuvent mieux comprendre notre situation », opine un habitant de Kalemire, qui a requis l’anonymat pour sa sécurité. Pour nombreux analystes, « Kura ni siri (traduisez : Le vote est secret) ».

Umbo Salama


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