Quand l’enterrement devient plus atroce que la mort à Kalehe, au Sud-Kivu


A Kalehe, c’est un climat de désolation, tristesse, pleurs, odeurs nauséabondes,… qui t’accueille quelques jours après le drame qui a endeuillé ce territoire du Sud-Kivu. Ce qui inquiète encore est que la plupart des victimes ont été enterrées dans des fosses communes. Une situation que plusieurs personnes qualifient d’enterrement atroce et indigne.

Environ une semaine après la catastrophe de Kalehe l’odeur des corps en putréfaction rend l’atmosphère irrespirable. L’odeur nauséabonde et les traces de sang sont visibles à certains endroits, certainement à cause des corps en putréfaction encore coincés sous les décombres. « De nombreux corps sont encore ici. C’est l’odeur qui nous a alertés. Ce sont des gens qui s’abritaient malheureusement, ils ont été coincés ici par les inondations, ensuite, ils ont été recouverts par la boue. Regardez toutes les mouches ici », explique Bertin Kalembe, habitant de Kalehe. Au moyen d’une canne, il retourne les immondices entassées sous un pont, qui dégagent des odeurs pestilentielles derrière sa maison..

En effet, vers 18h du jeudi 4 mai, des pluies torrentielles ont commencé à tomber sur toute l’étendue du territoire de Kalehe, au Sud-Kivu. Un véritable déluge qui a duré environ 2h. Plusieurs villages ont été partiellement détruits. Des dégâts les plus importants ont été enregistrés à Chabondo, Bushuru et Nyamukubi sur le bord du lac Kivu. Des villages ont été submergés lorsque des rivières sont sorties de leur lit, emportant avec elles des maisons. À d’autres endroits, des bâtiments, des écoles, des centres de santé ont été ensevelis par des coulées de boue.

Un enterrement atroce

Près d’une semaine après, le bilan provisoire est de 411 morts, des centaines de blessés et de disparus. Selon plusieurs sources, le nombre des morts annoncé est largement inférieur aux corps des disparus. Les dégâts humains sont d’autant importants que le drame s’est produit un jeudi, jour de marché dans la région, où il y a afflux de personnes, dont des marchands en provenance des territoires voisins.

Les dégâts matériels sont également importants. La route reliant Bushuru à Nyamukubi est coupée à plusieurs endroits, des sources d’eau potable ont été endommagées, des champs détruits et de nombreuses maisons rasées, forçant des nombreuses familles à passer la nuit à la belle étoile. Aujourd’hui, les équipes de la Croix rouge, de Médecin sans frontières et d’autres humanitaires sont occupées à récupérer les corps dans le lacs et corps ensevelis dans la boue.

La plupart des victimes ont été enterrées dans des fosses communes car, selon le gouvernement, il fallait éviter que les corps en décomposition ne propagent des maladies. Ce qui a créé des tollés sur les réseaux sociaux. Nombreux ont dénoncé des enterrements indignes, faits à la hâte.

« Les défunts ont des noms et des familles éplorées »

Les premiers corps retrouvés, plus de 170, ont été emballés dans des sacs mortuaires avant d’être enterrés dans une fosse commune. Pour nombreux, ce n’est pas un enterrement digne et acceptable car le même jour le gouvernement allait commander des cercueils à Goma et à Bukavu, les mettre dans le bateau et les faire arriver bien entendu à Kalehe. « Les morts n’ont plus aucune dignité. Avec moins de 7000$ on aurait pu enterrer dignement ces victimes. On a préféré une fausse commune et donner 40.000$ de frais de missions à 3 ministres et autant à des députés qui vont venir de Kinshasa pour venir à Kalehe », s’indigne Rodriguez Katsuva, sur son compte Twitter.  

D’autres encore vont jusqu’à se demander si ça valait la peine de déterrer les corps de la boue si c’était pour les enfouir dans des sacs dans des trous. « Les défunts ont des noms, des familles éplorées, et un reste de dignité! Ceux qui ont décidé qu’ils soient ainsi enfouis devraient répondre de cette ignominie! », réplique un autre internaute.

Pour Sage Kasereka, militant de la Lucha (lutte pour le changement), cette image est bien sûr divisionniste, mais elle illustre la triste réalité de la RDC. « Un cercueil c’est au minimum 30$. 173 morts si tous sont des adultes multipliés par 30$ = 5190$, drap 5$ x 173 = 865$. Total : 6055$, donc le gouvernement provincial est incapable de réunir 6055$ pour enterrer dignement nos frères et sœurs », fait-il remarquer.

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Sous ce même angle, Marie-Sophie Nswele embraye : « Nous ne manquons pas de bois. Nous ne manquons pas du ciment, moins encore du sable pour faire ne fût-ce que des caveaux pour chacun d’eux. Enfin, nous ne manquons pas d’espace. C’est horrible ». pour Germain Olinabandji Bengehya, le comble est qu’un jour certains viendront dire « avoir découvert des os d’une fosse commune datant de l’année x », s’inquiète-t-il.

Mais au milieu des pleurs dans les villages frappés par la catastrophe, les secouristes se retrouvent débordés. Les volontaires de la Croix-Rouge déployés, et les structures sanitaires déplorent le manque des matériels adéquats dans la prise en charge des blessés, ou des corps retrouvés. Les matériaux actuellement disponibles demeurent insuffisants par rapport à l’ampleur des cas soignés.

Des agents sanitaires et des secouristes insistent sur la nécessité de dégager rapidement tous les corps pour éviter une contamination de l’eau et une épidémie. Dans cette zone où plusieurs sources parlent d’un bilan de plus de 5 000 corps en disparition, les ressources sont encore insuffisantes.

Rédaction icicongo.net


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