Ces viols sur garçons mineurs qu’on ne dénonce presque pas


En République démocratique du Congo, la loi punit sévèrement le viol, surtout sur une personne mineure. Si les cas de viols des filles sont dénoncés, ceux des jeunes garçons exploités sexuellement par des femmes majeures restent un tabou. 

Le surnommé Kada a 15 ans. Depuis trois ans, il vit avec une dame d’environ 40 ans, au quartier Kambali, en ville de Butembo, à l’Est de la RDC. Il ne travaille pas, mais il remplit son devoir : « Satisfaire sexuellement sa partenaire qui est la responsable du ménage ». C’est à Noël 2020 que Kada a été sollicité par cette dame et depuis, il n’est pas rentré chez ses parents. Dans cette parcelle la boisson de toute coule à flot. A la musique y tue-tête y est balancée à longueur des journées. 

Dans cette même parcelle, que nombreux surnomment QG (quartier général ou mieux des maisons de tolérance), le prénommé Nzanzu, un jeune de 16 ans conducteur de trottinette, vit chez une dame bien plus âgée que lui, qui a la quarantaine. Il passe parfois trois mois sans regagner le domicile de ses parents.

Ils sont nombreux, ces garçons mineurs qui sont violés par des femmes âgées. Ces dames ne sont pas inquiétées et ces garçons mineurs ne sont pas prêts à dénoncer les actes qu’ils subissent. Pour ces mineurs, ces femmes sont obéissantes et discrètes. « Il suffit de satisfaire ces sollicitations. Moi je ne paye rien… », nous déclare le prénommé Nzanzu.

Un goût du plaisir pour les mineurs

Et ces pauvres mineurs sont baptisés dans la société : « Petit poussin », « Mwana 15 ans » (traduisez : enfant de 15 ans), « Mario », (en référence à la chanson Mario de l’artiste congolais Franco Lwambo Makiadi)… Et ils en sont fiers… Des femmes qui confisquent ces gamins expliquent qu’elles les font pour éviter des problèmes. Selon leurs dires, des hommes majeurs vous imposent une vie que vous ne voulez pas et pour la plupart « ils vous exposent aux maladies ».

Ces femmes, de leurs côtés, disent ne pas se sentir redevables envers ces gamins et que d’ailleurs, selon leurs dires, elles les aident à trouver un endroit pour dormir. Aussi, embrayent ces dames, ces jeunes constituent aussi une main d’œuvre beau-marché. « Je peux l’envoyer au marché ou même il peut m’aider à allumer le feu et il va le faire sans se gêner, contrairement à un majeur. Et puis si la police ou le parquet arrivait ici chez moi, je vais me justifier que c’est un fils d’une amie. Et même ce jeune va m’appuyer », rétorque sans vergogne Clarice Kahindo, surnommée Mère Boss, une dame de 45 ans et qui vit avec un mineur de 16 ans.

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Nombre de ces jeunes garçons ignorent leurs droits. Ils sont convaincus que seules les jeunes filles sont protégées par la loi sur les violences sexuelles. Pourtant, la loi n° 09/001 portant protection de l’enfant stipule à son article 169 que tout acte sur mineur de n’importe quel sexe peut être poursuivi, entre autres les actes de pédophilie d’un adulte ou d’un adolescent envers un enfant, notamment l’attentat à la pudeur, la relation sexuelle, l’érotisme, la pornographie, l’abus sexuel et le viol, qui sont punis de 7 à 20 ans de servitude pénale principale et d’une amende de 800 000 FCFA (Francs fiscuax)…

Face à ces exploitations des mineurs dans des maisons de tolérances, le centre hospitalier FEPSI (Femme engagée pour la promotion de la santé intégrale) s’inquiète. Selon cette structure sanitaire qui intervient dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, le taux de prévalence du VIH est angoissante en ville de Butembo, et la tranche d’âge la plus touchée varie entre 14 et 35 ans. « La maladie continue toujours à progresser parce que depuis le début de l’année 2022 nous avons une prévalence de 4,6% alors que l’année passée nous avions eu une prévalence de 3,7%. C’est-à-dire que les pourcentages continuent  d’augmenter et nous pensons que c’est à cause de la guerre en territoire de Beni et l’exploitation des mineurs  dans les maisons de tolérance », déplore docteur Gertrude Tamba, médecin traitant au Centre hospitalier FEPSI.

Quand la « supériorité » du masculin s’en mêle

Les différentes familles des enfants victimes ne fournissent aucun effort pour protéger leurs enfants. Pour le parlement d’enfants, le combat est dur. Elie Kwiravusa, ancien président de ce parlement, indique que sa structure avait transféré 10 cas de viols sur garçons mineurs au TRIPAIX (Tribunal de paix) entre 2011 et 2012, mais sans suite. L’assistant social des enfants au tribunal de paix dit avoir transféré deux cas de viol sur garçons mineurs au tribunal de grande instance. « Nous ne traitons que des cas de viol des mineurs sur mineurs. S’il y a un majeur entre les deux, le cas nous dépasse et nous le transférons au TGI (tribunal de grande instance) », indique l’assistant social des enfants au TRIPAIX de Butembo.

Maître Cathy Abidan, de FJDF (Femmes juristes pour la défense des droits de la femme et de l’enfant), pense que la faute revient au parquet qui est chargé de rechercher les infractions, même à partir des simples rumeurs. « Nous assistons les personnes qui ont pris le courage de demander notre aide, c’est là notre limite », précise-t-elle. Une infirmière au centre hospitalier de FEPSI (Femmes engagées pour la promotion de la santé intégrale) explique qu’il est difficile de prouver le viol sur un homme si lui-même ne le dénonce pas. Jusque-là, aucun rapport n’a jamais été publié pour dénoncer ces viols sur les garçons mineurs.

Umbo Salama


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