Popal Isse Vosi, artiste musicien écologiste, résidant à Butembo, à l’Est de la RDC, indique qu’il est temps que ces rencontres qui visent la lutte contre le réchauffement climatique quittent leur caractère protocolaire. Selon lui c’est le moment de passer aux actions concrètes. Il pense que si chacun plantait au moins un arbre chaque année, l’impact de cette lutte sera perceptible. Nous l’avons rencontré en marge de la COP 27 de Charm-el-Cheikh, en Egypte.
A votre avis en tant qu’artiste musicien écologiste, qu’est-ce qu’on peut attendre de cette COP 27 ?
Je voulais vraiment que je sois présent, en tant qu’acteur actif dans la sensibilisation sur la protection de l’environnement et être témoin direct de cette cérémonie grandiose qui a le privilège d’être tenue en Afrique. Qu’à cela ne tienne, suis en plein travail de studio pour une chanson intitulée « CRECA » qui veut dire « Crédit Carbone ». A travers cette chanson j’essaie d’expliquer l’importance de l’arbre, de la forêt et suggérer à la population surtout urbaine d’utiliser de manière rationnelle la faune et de la flore. Par exemple, leur dire, avant de couper un arbre, il faut au moins planter trois autres, pour la génération future. Car je me suis toujours dit que la chose la plus propre au monde c’est cette nature.
Trouvez-vous qu’il y a des efforts des populations locales pour la protection de l’environnement ou dans la lutte contre la déforestation ?
Justement ! J’ai fait le constat par exemple lors d’une tournée écologique avec d’autres organisations et artistes qui interviennent dans la protection de la nature. Nous avons commencé à Vitshumbi, une des pêcheries situées sur la côte Ouest du Lac Edouard, dans le parc de Virunga, avec le festival Mazingira (environnement, NDLR). Et vous le savez, dans cette pêcherie, plusieurs pêcheurs sont souvent attaqués par des marines ougandaises pour violation des frontières lacustres entre la RDC et l’Ouganda. Or pour nous les naturalistes et écologistes, la nature n’a pas de frontière. Avec d’autres artistes, nous avons eu à sensibiliser la population locale, dans son milieu, à travers sa langue,… C’était vraiment un succès. Car les gens ont besoin d’écouter autre chose que des coups des balles, des menaces sécuritaires,…
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C’est une preuve que les gens commencent à croire à notre engagement dans la protection de la nature. Nous avons été aussi à Goma. Vous sentez qu’il y a ici la nécessité de protéger l’environnement. D’abord c’est une ville volcanique mais aussi touristique. Dans cette ville, on ne manque jamais de valoriser l’environnement dans des grands carrefours et espaces publics. Ce que je déplore, c’est le fait que les gens continuent de jeter des immondices, des bouteilles et sacs plastiques dans le lac Kivu. C’est pourquoi j’ai toujours insisté que le problème de la protection de la nature est avant tout un problème de foi, de conscience ou même de cœur. C’est une question de fierté pour chaque personne. Nous, nous ne donnons que des informations, mais le discernement pour participer à la gestion de l’environnement est presque individuel.
Y-a-t-il encore moyen ou le temps de se rattraper ?
Je crois bien. Par exemple ici chez nous à Butembo, dans les anciens temps, avant les années 2000, ce sont des cyprès qui constituaient les clôtures des différentes parcelles. Et c’était beau je vous assure. Sur le plan esthétique c’était d’abord magnifique et sur le plan environnemental les parcelles étaient aérées.
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On respirait de l’air bien frais contrairement en cette période où ces sont des enclos en briques qui colonisent la ville. S’il y a encore une opportunité d’un possible lotissement, c’est mieux de récréer des quartiers verts où on aura des parcelles entourées des cyprès,… Juste avoir quelque chose qui met en valeur la faune et la flore.
Pensez-vous que les messages de la COP 27 seront bien compris au niveau local ?
Il ne faut pas que la COP 27 reste un truc protocolaire. Il est temps de passer à l’action. Par exemple actuellement, quelqu’un m’a informé que le fonds pour le crédit carbone est déjà disponible afin de compasser des exploitants forestiers. Le comble, comme nous connaissons nos dirigeants, ce sont encore des dignitaires qui vont s’enrichir avec ces fonds. Mais moi je pense qu’il faut d’abord qu’on identifie ces initiatives qui vont permettre à la population de ne pas faire pression sur la forêt et les parcs.
C’est comme des initiatives de constructions des centrales hydroélectriques qui peuvent amener la population à ne pas utiliser le bois pour la cuisson des aliments. Ça va même chasser des groupes électrogènes qui électrifient des quartiers et alimentent des moulins, garages,… Si la COP 27 encourageait ces genres d’initiatives, il y aurait des avancées dans la protection des forêts. De l’autre côté, il faut montrer à la population les retombées de la bonne protection des parcs. A part l’air frais qu’ils donnent à la population, il y a aussi le tourisme et qui peut même booster l’économie des populations riveraines des parcs.
Est-ce qu’au stade où nous sommes, les gens ont une idée sur le tourisme ?
Nombreux ont en tête que les touristes sont seulement des occidentaux. Pourtant dans d’autres pays comme l’Egypte, le tourisme est aussi un domaine scolaire et même universitaire. C’est toute une science. Et le tourisme facilite les jeunes à mieux connaître leur milieu, avoir une idée sur la forêt équatoriale, la vie de leurs anciens parents… Ce n’est pas bon qu’on puisse apprendre notre flore et notre faune à travers des livres que nous n’avons pas nous-mêmes rédigé.
C’est pourquoi, moi je pense qu’il faut privilégier des randonnées, des sorties, excursions… pour observer des collines, montagnes, forêts, rivières, qui nous entourent… Le tourisme peut aussi aider à ramener la paix et la sécurité. Quand il y a des gens qui fréquentent de manière quotidienne un endroit, y passent beaucoup des temps, cela peut faire pression à des bandits. Ces derniers vont se sentir de l’obligation de quitter cet endroit.
Est-ce facile de sensibiliser sur la reforestation des milieux urbains ?
C’est un défi vraiment. Dans plusieurs quartiers et avenues de nos villes, on a du mal à y retrouver même un seul arbre. Pourtant quand j’étais encore jeune, dans chaque parcelle de la ville de Butembo, il y avait au moins deux arbres et des bananiers. Et ça faisait la beauté de la ville. Mais, moi, en tant que musicien je connais l’importance de l’arbre.
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Si je suis « Popal Isse », c’est grâce à l’arbre. D’abord ma guitare c’est le fruit de l’arbre. Donc ma vie dépend directement de l’arbre. Et je sais que quand je vais quitter cette terre, c’est l’arbre qui va faire partie de ma dernière demeure. Pour dire que l’arbre c’est un bon ami, l’arbre c’est une auberge. La plus part des animaux, profitent aussi de l’arbre. Soit ils dorment dans l’arbre soit ils profitent de l’ombre de l’arbre.
Où faut-il planter des arbres ? Y-a-t-il des endroits appropriés ?
On peut négliger quelque chose qu’on a, alors qu’ailleurs elle équivaut à toute une mine d’or. Il faut qu’on soit acteur principal de la protection de l’environnement. Je vous donne un exemple : Un ami au Cuba m’avait posé la question : « Est-ce que le fleuve Congo est toujours là ? », j’avais répondu par l’affirmatif. Et il avait ajouté : « Vous êtes un pays riche, vous avez tout. Vous avez des minerais, le fleuve mais aussi une grande forêt ». Pour dire que si chacun pouvait trouver dans sa parcelle un endroit pour planter même un arbre, le monde sera encore formidable.
Aujourd’hui chacun peut même prendre une décision et se dit : « A chaque date de mon anniversaire je dois planter au moins un arbre ». C’est une des solutions. On ne peut pas manquer des endroits pour planter un arbre. On peut le planter dans des concessions scolaires, communautaires, des églises,… par exemple nous, à notre jeune âge, nous avions planté des arbres dans la concession de l’Institut Kambali, à l’hôpital Matanda, à l’hôtel auberge et même à l’évêché du diocèse catholique de Butembo-Beni… Aujourd’hui quand je vois ces arbres, je me sens encore fière d’avoir participé à ces œuvres écologiques. Il y a même un volontaire qui essaie de planter des arbres le long de la grand-route de Butembo. Malheureusement, il ne bénéficie pas du soutien des autorités locales.
Les initiatives pareilles sont à encourager et à prendre au sérieux. C’est un des grands souvenirs qu’on peut laisser sur cette terre. Et puis planter un arbre n’est pas fatiguant. Moi, je vais planter au moins cinquante arbres pour mon année jubilaire, à la fin de novembre 2022. Et je demande aussi à tous mes mélomanes et funs de planter au moins chacun un arbre là où il est pour le soutien à notre engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est le grand cadeau qu’on peut m’offrir pour mon jubilé d’or de naissance et mon jubilé d’argent de carrière musicale.
Propos recueillis par Umbo Salama
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