Vers fin juillet 2022, des manifestations anti-MONUSCO ont été encore une fois enregistrées dans certaines villes, à l’Est de la RDC. Ces protestations ont été à la base des pertes des vies humaines du coté civil même des casques bleus de l’ONU. Certaines opinions crient à la manipulation… Faut-il croire ces opinions?
Des manifestants de juillet 2022 contre la MONUSCO avaient un âge qui varie de 15 à 30 ans. Nombreux sont nés au moment où la MONUSCO s’installait en république démocratique du Congo. Mais ils n’ont jamais senti un climat de paix. L’histoire de leur existence s’écrit autour des morts, des vols, pillages, vols, guerres, groupes armés, rebellions, viols, famines,… L’espoir de cette jeunesse qui reposait sur la MONUSCO s’est dissipé. Cette mission de l’ONU n’a pas répondu à leurs ententes.
C’est le cas du prénommé William. Agé de 22 ans, ce jeune est un militant de la LUCHA (Lutte pour le changement). Sa lutte lui a déjà causé plusieurs blessures par balle : lors de l’incursion des ADF dans son village vers Mbau, lors du sit-in des élèves à la mairie de Beni ainsi que lors de la récente marche anti-MONUSCO en ville de Butembo.
Lors de notre rencontre, ce jeune se muni d’une écharpe pour soutenir son bras gauche, touché par une balle. Il ne décolère pas encore. Malgré les violences de cette lutte, William persiste et signe. Cette blessure ne peut pas le décourager de manifester encore contre la MONUSCO.
Lire aussi : Des « villes mortes » à des personnes mortes dans des manifestations anti-MONUSCO
« Je suis né et j’ai grandi dans la guerre, malgré la présence de la MONUSCO. Ma mère est déjà morte. Elle a été égorgée par les ADF, sous l’œil impuissant de la MONUSCO à Mbau, sur la route Beni-Oicha il y a trois ans. Pourquoi ne pas se mettre en colère ? Personne ne me pousse à protester contre la MONUSCO », tonne-t-il. Aujourd’hui, William serait à l’université. Mais après la mort de sa mère, il a dû arrêter les études.
Au côté de ce militant de la LUCHA, d’autres voix s’élèvent. « La MONUSCO est venue nous sécuriser, mais il n’y a que de l’insécurité. Il a échoué dans sa mission première de protection des civils », indique Clémence Zawadi, une des manifestantes.
Les blessures par balle sont loin d’étouffer le désarroi. Volonté Kambale, est l’un des manifestants. Il a été aussi blessé par balle à sa jambe gauche, lors des manifestations de juillet 2022. Il n’est pas encore prêt à abandonner la lutte anti-MONUSCO. « Depuis que nous sommes enfants, nous savons que tout ce que la MONUSCO fait, c’est conduire ses véhicules dans les centres urbains. Ils vont et viennent dans la ville. Ils exhibent des armes sophistiquées qui n’aident pas à protéger les civils. C’est inutile », explique-t-il. Il poursuit qu’à Mavivi, une des bases importantes de la MONUSCO en territoire de Beni, il y a eu un massacre à côté du camp de la MONUSCO. « Ils ne sont pas intervenus pour contrer ces meurtres. Ils n’ont pas crépité une balle pour dissuader l’ennemi. Beaucoup de sang a coulé », accuse-t-il.
Une léthargie qui aggrave la colère
Ces protestations anti-MONUSCO ont eu lieu pendant que la rébellion du M23 venait de s’emparer de certaines localités dans la partie Sud-Est du Nord-Kivu. Entretemps, la mission onusienne avouait son incapacité à pacifier la région, même à vaincre le M23. « Après plus de 20 ans, il est inconcevable qu’il reste ici dans notre pays surtout quand il admet lui-même qu’il est incapable de faire face à des ennemis comme le M23 et les ADF », dénonce Jean-Pierre Kasereka, un autre militant.
A cet activiste de poursuivre : « Des gens nous tuent même à moins de 100 mètres des camps de la MONUSCO. Cela prouve que la mission est vraiment incapable de protéger les civils ». Même son de cloche pour Volonté Kambale, rescapé des massacres. « A Beni, il a même été observé que certains massacres ont eu lieu près des positions des casques bleus de la MONUSCO et que les casques bleus n’ont pas réagi, n’ont même pas riposté, malgré les alertes de la population », s’indigne-t-il.
Aussi, la MONUSCO n’a pas réussi à empêcher la spirale de la violence à l’est de la RDC. Mais les fronts de conflit se sont multipliés à mesure que de nouvelles rébellions éclataient. Le nombre de groupes armés a grimpé à plus de 100, tandis que les déplacements ont grimpé à plus de cinq millions. Et même le nombre de morts a sensiblement augmenté. « Quand la MONUSCO est arrivée, il n’y avait qu’environ 10 groupes armés, mais aujourd’hui il y en a plus de 100. Cela démontre que le pays était mieux sécurisé avant l’arrivée de la MONUSCO », indique Clémence Zawadi, 22 ans, une des manifestantes contre la MONUSCO.
« Pas d’acharnement contre la MONUSCO »
Cette léthargie est aussi décriée par certaines autorités congolaises. Dans une interview à Radio Okapi, le ministre Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais avait estimé que l’on ne peut pas qualifier ces manifestations d’acharnement des Congolais contre la MONUSCO. « Ce n’est pas un acharnement parce que la mission est en RDC depuis une vingtaine d’années et malheureusement, au-delà des progrès qui ont été accomplis, la situation a dérapé et il y a eu récemment des déclarations des différents porte-paroles des Nations unies que nous avons considérées comme maladroites, qui ont ravivé le feu », a-t-il déclaré.
Selon le ministre Muyaya, les gens ont le droit de critiquer la Monusco s’ils estiment que cette mission n’agit pas efficacement. Cette force vient souvent en appui logistique aux FARDC, « mais elle vous met devant une situation compliquée. Sur la ligne de front, par exemple, pour ravitailler nos forces en nourriture, elle peut vous prendre deux à trois jours. Mêmement pour évacuer des blessés… Vous imaginez le stress qu’elle cause à nos troupes ? », Se lamente un haut gradé militaire dans la zone.
Bye bye MONUSCO
Durant les premières années de la MONUSCO en RDC, la population avait remarqué la léthargie des forces nationales (FARDC)… Elle s’était tournée vers les Casques Bleus qui disposent de moyens considérables et qu’ils croyaient souples et prompts à réagir. Mais la population a remarqué que la MONUSCO met du temps à réagir. « Pourtant elle a tous les outils possible pour nous défendre, mais ne fait rien. Elle a des armes lourdes, mais cela ne sert à rien », s’indigne William, visage refrogné.
Des récents sondages du GEC (Groupe d’étude sur le Congo) suggèrent qu’une majorité importante d’habitants du Nord-Kivu et de l’Ituri souhaitent maintenant que les 12 000 soldats de la mission quittent immédiatement le pays. Selon la plupart de ces jeunes, « nous avons nos forces armées… qui doivent nous protéger. Certes, l’armée a besoin de réformes… mais elle est capable de nous protéger à condition que nous leur donnions les moyens… que nous excluions certains officiers qui seraient complices des groupes armés » assure Jean-Pierre Kasereka Maghetsi.
Un avis partagé par Serges Makeo, avocat congolais et coordinateur des Jeunes Patriotes de Butembo, un mouvement citoyen. Selon lui, après le départ de la MONUSCO Il n’y aura pas de chaos. « Le problème de l’armée est au niveau de la politique de défense. Ils ne sont pas motivés et équipés. Si nous résolvons ce problème, nos soldats pourront nous sécuriser », explique-t-il.
Vers fin Août 2022, la MONUSCO a procédé au redéploiement temporaire de sa base de Butembo, au Nord-Kivu, l’une des villes où il y a eu des manifestations. Leurs trois bases sont entre les mains de l’Etat congolais, sécurisées par l’armée et la police congolaise.
Umbo Salama