Ils sont pléthoriques sur le marché. Présentés sous des étiquetages trompeurs éclatants, ces produits sont très accessibles et étouffent la production locale. Ils renforcent la saveur et l’arôme. Des ingrédients magiques, certes, mais des poisons aussi vicieux que silencieux.
A Goma, au DICODERMANOKI (Dispensaire de consultance dermatologique du Nord-Kivu), en ce mois de Mai, une dame présente en l’Infirmerie son enfant qui a des problèmes de peau. La première réaction du soignant intrigue : « Avant toute chose, ne donne plus jamais à ton enfant du lait et du jus importés qu’on retrouve dans des alimentations. Il lui faut du jus naturel que toi-même tu peux fabriquer. Il suffit d’acheter des fruits en ville, les presser et obtenir du jus pour ton enfant », avait insisté Remy Kakule Ndovya, responsable de DICODERMANOKI. Selon lui, ces produits ne sont pas bons pour la consommation chez les enfants voire chez les adultes.
Pourtant dans nos villes, ces produits sont sur les étalages de la grande partie de nos alimentations. On les retrouve même dans différents coins des quartiers et avenues sur des étalages mixtés d’autres produits alimentaires. Ils se font vénérer du bouillon aux Cubes Maggi en passant par le lait, yaourt, jus, Onga voire Onja pour les autres. « Ce sont des exhausteurs de goût à cause de leur capacité à rehausser, à renforcer la saveur ou l’odeur du met. C’est tellement goûteux à telle enseigne qu’à la fin l’on se sente obliger de demander le secret de la cuisine », explique Kambale Sylvestre, après avoir consommé un bon plat des pommes de terre avec du petit-pois et une bonne sauce des poissons fumées dans un restaurant à Beni.
Lors de paie de sa facture, il insiste sur les recettes de ce plat. Il s’attendait plus à une réponse du genre : « sauce secrète » ou « recette de grand-mère ». Mais après discussion, il s’agissait d’une certaine quantité du fameux Cube Maggi. Un ingrédient secret, certes, mais… Bref, on est reconnaissant non seulement d’avoir bien mangé mais aussi de s’être identifié dans le « High Class ».
Le goût à tout prix
Les cubes Maggi et les bouillons sont devenus les rois des cuisines. Ils sont alors déclinés en saveurs variées : oignons, poissons, poulet, légume, etc. Ils sont à la portée de n’importe quel « Monsieur tout le monde ». Le prix varie rarement. On peut attendre parler de 150 Fc (0,075 $) l’unité, et des fois, on en trouve deux pour le même prix. On dépense peu, et on gagne beaucoup en termes de goût. Ce, pour mieux profiter de la marmite !
Un emballage attrayant, arborant des mets, des femmes ravies et des couleurs vives ne font que plus flatter la notoriété du produit. Des radios et télévisions locales, des services de marketing, vantent à longueur des journées les spécificités de ces produits.
Sous un soleil de plomb, Kavira Françoise, sous un parasol portant des écrits d’une maison de télécommunication, assise derrière son étalage placé au coin de sa parcelle s’enthousiasme pour sa clientèle de Cube Maggi. « Avec ces cubes et bouillons, je fais trop de bénéfice que pour des produits maraichers comme des poivrons, ails,… Ces cubes, c’est une bonne affaire », s’enthousiasme-t-elle. A quelques mètres de son étalage, le prénommé Héritier, grille de poissons, viande des poules, de cobayes et qu’il assaisonne avec ces cubes. L’arôme de ces grillades vous atteint même à 500 mètres. Vous vous sentez dans obliger de débourser vos 500 Fc pour goûter un petit morceau ou une petite cuisse de ces grillés.
Malgré son goût et son arôme piquant, certaines personnes disent présenter des allergies. « Toutes les fois quand je mange dans un restaurant ou même dans une fête où on a utilisé ces recettes, il faut que je prenne à la minute qui suit un peu de liqueur. Dans le cas contraire, je peux passer toute une journée sur la cuve du WC », s’est toujours plaint un opérateur économique de Butembo. Selon lui, il peut aller jusqu’à tomber malade quand il consomme des aliments assaisonnés avec des Cubes Maggi ou des bouillons. D’autres vont jusqu’à croire qu’ils ont été empoisonnés dans la salle de fête ou au restaurant. Ils disent qu’ils attrapent la diarrhée suivie des vomissements voire des nausées nauséabondes et des expirations respiratoires inquiétantes. Dès lors, ils hésitent toujours de répondre aux invitations relatives aux fêtes.
De plus en plus des maladies cardiaques et cancérigènes
L’élément chimique vedette dans ces cubes Maggi est le glutamate mono-sodique ou GMS (E 621) appelé aussi « potentialisateur de saveur ». C’est une poudre blanche ayant l’apparence du sucre et avec la particularité de renforcer le goût des ingrédients auxquels il est mélangé. L’usage du glutamate mono-sodique est parfois caché dans les étiquettes alimentaires sous différents noms comme « assaisonnements naturels ».
Selon des sources médicales « le produit consommé à court terme n’est nullement sans danger. Ces additifs font ressentir un effet illusoire de goût et rendent dépendant au point où l’on ne peut s’empêcher d’en consommer. Le glutamate se met de plus en plus au cœur des polémiques au même titre que la nicotine présente dans le tabac », explique une étude réalisée en mai 2021 par des chercheurs du Réseau des Chambres d’Agriculture du Niger.
« Ces cubes présentent des risques de maladies telles que le diabète et l’hypertension artérielle en raison de leur forte teneur en sel. Les maladies cardio-vasculaires, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), certains cancers (estomac) et même l’ostéoporose sont concernés », indique un nutritionniste qui a voulu rester anonyme. « Toute fois, ce n’est pas l’unique cause ces maladies », relativise notre interlocuteur.
Selon le ministère de la santé de la RDC, près de 49.000 cas de cancer dont 34.800 décès ont été recensés en 2020. Sans donner des explications sur les origines de cette maladie, le ministère a créé le CNLC (Centre national de lutte contre le cancer) qui a ainsi pour mission, de coordonner les activités de la lutte contre le cancer sur toute l’étendue de la République. Depuis 2021, le gouvernement de la République s’est investi à rendre disponibles les médicaments anticancéreux et équiper le CNLC en laboratoires de biologie moderne pour une prise en charge gratuite des patients atteints du cancer. En ville de Butembo, en début de l’année 2020, plus de 100 cas de cancer ont été dépistés à l’espace de trois mois aux cliniques de l’Université Catholique du Graben. « C’est trop! », indique Docteur Amos Kaghoma.
Lait et jus importés, d’autres poisons silencieux
Dans plusieurs villes de la RDC, le lait et les Jus importés constituent encore un luxe. Mais, le lait qu’on met sur la table à manger presque tous les jours n’est pas vraiment du lait. « En effet, la plupart des produits laitiers importés vers l’Afrique sont dilués avec la matière grasse d’origine végétale », explique notre nutritionniste. Selon des recherches du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), Le lait en poudre importé contient plus de 30% de matières grasses. Ce qui en fait du faux lait.
Pourtant plusieurs parents donnent ces produits (laits, jus importés) à leurs enfants comme collation (ce mini-repas de récréation) quand ils vont à l’école. « Nous les constatons surtout à la rentrée scolaire. Nombreux viennent à notre dispensaire pour des consultations dermatologiques. Car ces produits constituent la majeure partie de leurs provisions à l’école. Ces mêmes histoires sont au rendez-vous dans des fêtes d’anniversaire. C’est ce qui fait que le taux de problème dermatologique s’accentue surtout chez les enfants en âge scolaire », indique Remy Kakule Ndovya, responsable du dispensaire de consultance dermatologique du Nord-Kivu, DICODERMANOKI.
Selon les données diffusées par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), plus de 6 milliards de personnes consomment du lait. L’Afrique en constitue une plaque tournante. Mais, les Africains consomment principalement du lait importé vu que son marché est inondé de ces produits laitiers importés. Le problème est que plusieurs substances utilisées dans la fabrication peuvent provoquer d’autres maladies. « Le lait importé contenant beaucoup de graisses, une fois dans l’organisme, peut boucher les voies biologiques. Vu que c’est par ces voies que transitent le sang et les nutriments, cela peut provoquer des arrêts cardiaques », prévient un épidémiologiste nutritionniste à l’Université de Finlande Orientale.
D’autres chercheurs indiquent que ces produits tuent à bas bruit. « Imaginez le jus de mangue, par exemple. On vous fait croire que vous consommez de la mangue, alors qu’il s’agit seulement du colorant et un autre produit qui donne le goût de manque. Tout ça ce sont des produits qui peuvent provoquer le cancer et d’autres maladies cardiaques. Il faut bien faire attention », insiste un nutritionniste.
Difficile réglementation
De leurs côtés, les fabricants de ces produits magiques, indiquent qu’ils ne posent aucun danger pour la santé des consommateurs. « Tous les ingrédients utilisés sont approuvés par les autorités de tutelle. En outre, nous avons en place un système de qualité rigoureux pour vérifier la qualité et la sécurité de nos produits tout au long du processus de fabrication, des matières premières que nous utilisons au produit fini. Au cours de leur fabrication, les produits Maggi subissent plus de 400 contrôles sûres », justifie l’entreprise Nestle, qui exporte la grande partie de ces produits vers l’Afrique.
Dans des services de contrôle des produits alimentaires en RDC, des questions sur ces produits demeurent sans réponses. Ceux qui tentent de parler, vous réfèrent seulement à l’histoire de Chui Bin Kositi, c’est ancien chef de service des produits avariés à l’OCC (Office congolais de contrôle), qui était retrouvé mort au quartier Kieshero, à Goma, dans la nuit du 8 au 9 juillet 2007. Selon plusieurs sources, il s’était opposé au passage de denrées alimentaires avariées, nocives pour la santé de la population.
« nous ne produisons presque rien »
Plusieurs solutions locales existent et peuvent relever le goût des plats avec ingrédients importés. « On peut utiliser des herbes aromatiques et des épices naturelles. Le laurier, le poivron, l’ail, l’oignon, les gingembres (tangausi), soja, arachides,… peuvent rehausser le goût des préparations. En plus d’être des exhausteurs de goût, ils sont très bénéfiques pour la santé aussi », explique Kakule Remy.
Le lait produit localement par exemple, en plus du fait qu’il est de meilleure qualité, c’est un produit dont on maitrise en plus le mode de production. Aujourd’hui, il y a beaucoup de recherches sur les produits végétaux capables de donner du lait. Ainsi, il y a du lait fabriqué à base de soja. Certes, peu de personnes le connaissent. Mais, il est très riche et vous sauve du faux lait.
Certains consomment le lait pour ses apports en vitamine D. Cette vitamine existe de façon naturelle dans les premières lueurs des rayons solaires. Vous n’avez donc plus besoin de consommer un produit préjudiciable pour votre santé. Opter pour les rayons solaires, un des meilleurs choix. Vous trouverez également de la vitamine D dans le jaune d’œuf, les poissons, l’avocat ou encore les champignons sauvages.
Les bouillons, lait, jus et cube Maggi,… importés on peut s’en passer. « Le comble est que nous ne produisons presque rien ». Autant rompre d’avec le prestige pour garantir une vie sauve.
Umbo Salama
Merci pour cet article. J’emettais déjà de réserve pour la consommation des produits dont j’ignore les origines, maintenant que j’en sais quelque chose, je suis prévenu. Merci pour les recherches