La bonne affaire du maïs à l’est de la RDC


L’engouement pour la céréale pousse les agriculteurs congolais à accroître leur production. Grilleurs et responsables des unités de transformation se bousculent pour se procurer ces graines. Il s’agit du maïs, bonne affaire  et aliment de base pour la population locale.

A Butembo comme dans d’autres villes de l’Est de la République Démocratique du Congo, chaque soir, des grilleurs de maïs se comptent par milliers dans plusieurs coins des rues et avenues. Le consommateur affluent. Problème : il faut débourser entre 200 et 300 Fc (franc congolais) pour s’acheter un épi grillé. La qualité et la demande conditionnent le prix. Selon le docteur Kawa Ndaghala, chef du service de l’Agriculture de la Pêche et de l’élevage en ville de Butembo, « certains agriculteurs n’attendent même plus que le maïs soit sec pour le récolter à cause de la forte demande des grilleurs ».

Cette situation met parfois les agriculteurs dans le dilemme. Ils vont jusqu’à céder aux premières sollicitations avant même la récolte. « Il arrive que la récolte d’un champ de maïs soit achetée d’avance », précise Kasereka Musondolya, grilleur de maïs. Père de deux enfants, depuis quatre ans Kasereka nourrit  sa famille grâce à ce métier. Comme d’autre grilleurs, chaque matin vers cinq heures, il se rend dans les villages environnant la ville ; à la recherche de la marchandise. « Chaque jour, je vais jusqu’à écouler 80 kg de maïs frais », Confirme-t-il.

Forte demande des maïs frais en ville de Butembo

Cette forte demande de maïs frais porte le dessus sur le marché du sec destiné à la production de farine. Des entreprises de transformation sont obligées d’aller plus loin pour s’approvisionner. C’est le cas de la Coopérative centrale du Nord-Kivu, Coocenki. Cette dernière, en plus de la semence qu’elle fournit aux agriculteurs de Rutshuru, Kayna, Kirumba, Mungualu et ailleurs, met à leur disposition des engrais et des agronomes pour le suivi du cycle de production. C’est au prix de tous ces efforts que Coocenki parvient à se procurer le stock de maïs destinés à la production de la farine.

Le maïs sur tous les menus

La consommation de maïs à l’Est de la RDC s’infiltre de plus en plus dans les habitudes alimentaires. Ici, même sans être grillés à la braise, ces céréales se consomment sous plusieurs menus. Des popcorns par exemple, ces maïs sautés préparés dans une marmite sur le brasero où il faut chauffer l’huile avant d’y verser une variété spéciale et du sel. Aux alentours des écoles et dans des quartiers chauds de la ville, ces maïs sautés sont très consommés. Debout derrière sa machine à pop-corn, Ghislain Mahese détient sa petite entreprise à quelques mètres de l’Institut Vungi, en ville de Butembo.  Ghislain est tout souriant, quand sonne la récréation dans cette école. « C’est le moment de la vente », se réjouit-t-il.   

Ghislain Maheshe devant sa machine à pop-corn.

Cette nouvelle habitude alimentaire s’explique différemment. Fabien Paluku, un consommateur rencontré près d’un grilleur, se justifie que c’est pour le simple plaisir de grignoter ces grains. Cet engouement est parmi les pratiques qui permettent à de nombreux habitants de consommer des protéines granuleuses. Car, « ils sont peu habitués à faire du foufou avec de la farine de maïs plus riche que celle du manioc », explique un nutritionniste. 

Il y a encore plus de dix ans, rares sont des familles qui recouraient à la farine de maïs. Celle-ci était plus utilisée pour la fabrication de l’arac (une boisson faite à base des maïs) et de boissons fortement alcoolisées. Aujourd’hui, les choses semblent changer. Le foufou fait à base de maïs est à tous les menus. « En cas de rupture de mon stock de farine de maïs, mes enfants sont presque déçus et ne mangent pas avec appétit », affirme Kahambu Espérance, soutenant  un sceau de farine de maïs sur sa tête. Même son de cloche pour Alphonse Syakoma, restaurateur à Goma : « C’est rentré dans la mentalité collective. Si vous voulez que vos clients vous quittent, servez-leur de la pâte à base de manioc sans y mettre de la farine de maïs ». 

La malnutrition en baisse

Le diététicien Georges Musavuli, responsable du Cado (Centre d’assistance aux diabétiques et obèses), indique que cet engouement pour le maïs est le résultat des « différentes sensibilisations sur les régimes alimentaires ». Selon d’autres sources sanitaires, l’une des causes du taux élevé du diabète sucré dans la zone est la forte consommation non réglementée de certains produits alimentaires. « La journée, au menu du repas de nombreuses familles, vous trouviez des carottes cuites des maniocs. Or, le soir c’est encore de la pâte du manioc. Nous avons commencé à sensibiliser sur l’importance des protéines granuleuses ».

Hangi Luc admire son champ des maïs en territoire de Lubero, au Nord-Kivu

Résultat : « Aujourd’hui, le foufou de maïs est devenu un des régimes alimentaires de base », se réjouit-il. L’assistance humanitaire y est aussi pour quelque chose. Des personnes ont pris cette habitude de consommation avec la distribution des farines de maïs aux déplacés de guerre et aux victimes des différentes catastrophes naturelles 

Cet engouement pour la consommation du maïs va jusqu’à influencer les agriculteurs de la région. « Actuellement, les producteurs font trois ou quatre cycles de production de maïs contre deux auparavant », constate l’agronome Hubert Kasomo. Une bonne affaire pour les producteurs qui voient leurs revenus augmenter sensiblement. « Avant, on ne vendait pas assez, actuellement on a même du mal à satisfaire notre clientèle », assure un agriculteur de Rutshuru.

Utilisé dans le foufou, le mélange de cette farine permet aussi de lutter contre la malnutrition. « Il y avait trop d’enfants qui souffraient du kwashiorkor. Nous avons compris que la farine de manioc n’était pas suffisamment nutritive. Il fallait y ajouter aussi le maïs qui est désormais disponible. En les mélangeant dans le foufou, le résultat a été le même que celui obtenu avec les produits qui étaient importés pour lutter contre la malnutrition », indique Jeanne Kati, membre d’une association paysanne au Sud de Lubero.

Des plus en plus des variétés

Le paysan producteur vend une partie de sa production, consomme l’autre et garder le reste comme semence pour la prochaine saison. « Avant, la production atteignait difficilement 100 kg sur 25 m². Aujourd’hui, ce chiffre peut être multiplié par trois voire cinq », se réjouit une agricultrice.

Cyprien Kibendelwa du Senacem (Service national de contrôle et certification des semences), indique que « ces progrès sont dus à plusieurs facteurs tels que planter en ligne, produire des engrais, traiter les cultures aux bio-pesticides et utiliser les semences améliorées ». Aussi, la diversité des variétés en est aussi un ingrédient. Il y a par exemple des variétés telles que Tokachini (ZM625), SAM Vit, Bazooka et autres. « Il y a d’autres variétés bio-fortifiées qui sont en observation et qui sont des semences de maïs avec un grand potentiel de rendement pour les paysans. Ces variés peuvent aller jusqu’à produire entre 3 et 5 tonnes par hectare », explique le prénommé Alfred, membre de l’équipe de suivi auprès de l’entreprise Premilog (Premier logistics).

Un champ des maïs en territoire de Rutchuru, au Nord-Kivu

L’entreprise agricole Premilog vulgarise auprès des agriculteurs de nouvelles semences. Selon les études de cette entreprise, la semence joue un grand rôle dans la production agricole en 60%. « Vous pouvez augmenter la chance de produire par le travail du champ, le respect des saisons ainsi que par le sarclage et le suivi. Si vous avez une mauvaise semence c’est-à-dire vous êtes en train de travailler sur 40% de chance de bien produire », rassure cette entreprise.

Des usines de production des semoules (farines de maïs) se multiplient aussi. Mais ne parviennent pas toujours à satisfaire la demande. « Nous sommes dans une zone où se déroulent des opérations militaires. Or, le maïs est presque l’aliment central de nos militaires. Voilà que nous avons du mal à satisfaire tout le monde », indique sous anonymat, un agent qui travaille à la décortiqueuse dans une usine de production des farines des maïs. Il faut se tourner vers des pays limitrophes. Des sacs contenant la farine des maïs importés sont visibles sur le marché. Ces produits proviennent de l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda,…

Au Rwanda, le gouvernement a annoncé le démarrage des exportations de semences de maïs vers la République démocratique du Congo (RDC). Selon Patrick Karangwa, directeur général du Conseil rwandais de l’agriculture (RAB), des échantillons sont déjà envoyés pour une phase de test. Ce pays qui importait en moyenne 3 500 tonnes de semences de maïs par an est désormais largement autosuffisant avec une production d’environ 9 000 tonnes actuellement. « Les autorités rwandaises comptent tirer profit de cette situation pour générer des recettes via l’expédition du surplus vers les états voisins où le maïs est une denrée de base pour la majeure partie de la population », explique Patrick Karangwa.

Rien ne se perd

Tout se transforme. Le maïs intervient aussi dans l’alimentation animale. A la récolte, des tiges et feuilles des maïs sont utilisés pour nourrir des cobayes, des lapins, chèvres,… Selon l’International Plant Nutrient Institute, une tonne de tiges de maïs contient 8 kg d’azote, 3 kg de phosphore et 20 kg de potassium. « Les bétails vont digérer ces tiges, les décomposer et produire des excréments qui vont encore servir d’engrais pour des prochaines cultures ».

A côté de ces tiges et feuilles, d’autres éleveurs recourent à des sons des maïs qui sont des résidus obtenus après la production de la farine des maïs. « On peut mélanger ces sons des maïs avec d’autres produits comme des résidus des poissons, la cendre obtenue des os calcinés,.. pour les donner aux poules, lapins, cobayes, cailles, canards,… », explique Aimé Christophe, Ir agronome.

Lire aussi : Faits maison, des champignons boostent l’économie des ménages au Sud de Lubero

L’autres encore peuvent aller jusqu’à produire des champignons des types pleurotes à l’aide rafles de maïs. Il suffit de les sécher, le pasteuriser (bouillir) pendant environ une heure. Puis évacuer de l’eau et procéder au lardage ou ensemencement de tout le tas de substrat pasteurisé, avant de remplir le sac à plastic, et qu’i faut ensuite fermer à l’aide d’une corde. Ensuite les sacs sont placés en incubation dans le noir à une température de 20° à 25°C. Ainsi donc, les tiges de maïs peuvent être une source économique d’alimentation pour le bétail et de bonnes pratiques peuvent contribuer à augmenter les rendements culturaux. Le maïs c’est un bon business après tout.

Umbo Salama


Un commentaire

  1. Après tout, c’est un excellent site avec des articles informatifs. Je vais ajouter un lien vers ce site dans mes favoris. Cordialement, Lecteur.

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