Depuis un certain temps des déplacés qui vivent dans des familles d’accueils à Butembo, au Nord-Kivu, à l’Est de la RDC, dénoncent le détournement de leurs dons. De leurs côtés, des responsables des comités des déplacé parlent des suspicions non fondées. Mais la crise entre les deux camps persiste...
Des lamentations sont sur toutes les lèvres des déplacés. C’est le cas de Kahindo Lucie, une déplacée qui avait trouvé refuge à Butembo, après avoir parcouru plus de 80 Km à pieds suite à l’incursion des hommes en arme à Makumo, dans le territoire de Beni, où elle habitait. Dans une boutique où elle vient solliciter de l’aide, tenant son premier fils à la main, et un autre collé à son dos, elle commence par une litanie de difficultés afin de dénoncer que le comité des déplacés auquel elle est affiliée ne se soucie pas trop d’eux.
Selon cette dame, les responsables de leurs comités vont de fois jusqu’à détourner des vivres et non vivres donnés par des bonnes volontés. « Un jour une personnalité était arrivée à notre bureau. J’avais eu l’occasion de lui présenter mon problème de loyer. Elle avait donné à notre responsable 30 milles francs congolais. Chose drôle, le bureau m’avait présenté seulement 10 milles francs en disant que c’est tout ce qu’on lui a remis », dénonce-t-elle. Un autre déplacé, Père d’une famille de 4 enfants, embraye qu’une bonne partie des biens reçus « sont souvent acheminés dans des familles de ceux qui disent nous encadrer. C’est énervant », tonne-t-il, la main à la joue.
Manger au nom des déplacés
En août 2021, des déplacés avaient organisé un sit-in à la mairie de Butembo pour réclamer la clarté dans la gestion de leur assistance. Ils avaient dénoncé aussi l’existence des plusieurs structures qui veulent rassembler les déplacés. Ces structures se disputent de fois la primauté de gérer des déplacés. « Ces structures ne nous aident pas vraiment. Leurs objectifs seraient normalement de nous rendre service. Nous avons l’impression que nos responsables sont affamés que nous les déplacés. Ils cherchent à nourrir leurs familles à travers les différentes aides que nous recevons. Ce n’est pas bon ça », clame Mbula Ndwiko, qui dit ne pas savoir le mobile de ces structures.
Face à ces lamentations des déplacés, la mairie de Butembo avait mis en place un comité en charge de la récolte des vivres et non vivres et les canaliser auprès des nécessiteux. Mais ce comité n’a jamais fonctionné et n’avait apporté aucun changement.
La ville compte actuellement plus de 6000 déplacés de guerre. Mais tous vivent dans des familles et sont enregistrés dans trois grandes structures d’encadrement des déplacés : le C.F.I.N.T (Centre de formation et initiation à la nouvelle technologie) qui gère 4000 déplacés, l’ISPRON (Intégration sociale pour la promotion des nécessiteux) qui encadre plus de 2400 déplacés, et enfin le PDI, qui est le comité des personnes déplacés internes et qui encadre à son sein 400 déplacés.
Certaines personnes et organisations doutent de plus en plus du système de gestion de ces comités. « Notre association nous avait mobilisé pour une collecte en faveur des déplacés. C’était lors du troisième anniversaire de notre organisation. Il fallait donner soit des habits, des souliers, de l’argent ou même des vivres. Curieusement, quelques jours après j’ai aperçu un des responsables des placés qui portait certains des habits que j’avais donné. Depuis je me suis résolu de donner directement aux mains des déplacés que de passer par leurs comités », indique la prénommée Silvie, membre d’une association.
Des accusations que rejettent Kahindo Marie-Jeanne, responsable de l’organisation non gouvernementale ISRPON et Kavira Vake Guilaine de PDI. Pour elles, les biens trouvés auprès des bonnes volontés sont partagés avec les déplacés déjà enregistrés et en possession des jetons. « De fois des bienfaiteurs peuvent arriver à nos bureaux pour s’enquérir de la situation des déplacés et de leur nombre. Mais comme ils viennent à bord des land cruisers 4 X 4, et provenir des grandes organisations ou même de la MONUSCO, directement des déplacés croient que nous avons empoché de l’argent. Pourtant ils repartent sans rien donné. Il y a trop d’accusations non fondées dans cette affaire de gestion des déplacés », se dédouane Kahindo Marie-Jeanne.
Des déplacés peu satisfaits
Ces agissements des structures des déplacés avaient conduit certaines radios locales, opérateurs politiques, des groupes de pression et mouvements citoyens,… à organiser des leurs manières des collectes des dons pour ces nécessiteux. Des communiqués et appelles à l’aide sont lancés à longueur des journées et des collectes viennent en abondance. Mais la distribution se fait ni avec des structures étatiques, ni avec ces comités traditionnels des déplacés. « Nous nous basons sur des témoignages des familles d’accueil, des cartes d’électeurs, recommandations des chefs des quartiers et même des jetons des structures d’encadrement des déplacés pour identifier ces nécessiteux », explique un directeur d’une radio.
Malgré toutes ces stratégies, les déplacés ne se sentent pas toujours satisfaits. On les voit à longueur des journées passer de porte à porte dans des magasins et boutiques ainsi que dans des parcelles d’habitation. Pourtant ce sont encore ces mêmes personnes qui déposent leurs collectes dans des comités des déplacés, dans des radios, auprès des mutualités et associations… Et qui accueillent aussi des déplacés au sein de leurs familles respectives.
« Le matin, il y a des déplacés qui sillonnent nos quartiers à la recherche des dons. Quelques heures après ce sont des membres des associations et mutuelles qui passent pour collecter des dons toujours pour des déplacés. Quand vous êtes à votre lieu de service, d’autres déplacés encore arrivent. De fois, les mêmes déplacés que ceux qui sont passés à la maison. On comprend que eux aussi ne sont pas reconnaissant », se plaint Kahindo Sikwaya, vendeuse dans une boutique en ville de Butembo. Elle indique qu’en moyenne, 30 familles des déplacés passent dans sa boutique à la recherche d’une aide.
Difficile réglementation du secteur
Lors du passage à Butembo du ministre des Affaires Humanitaires, Modeste Mutinga, en Août 2021, des déplacés avaient fait le tour des différents sites pour être servis deux ou trois fois. Ils allaient jusqu’à devancer le cortège de la délégation ministérielle pour être servis à la fois au site de la cathédrale, à la Radio Evangélique et même au site de PDI.
Pour Kavugho Wasingya, le comble est que plusieurs déplacés n’acceptent pas un travail en contrepartie d’une subvention. « Trois Papas étaient arrivés chez moi. Je leur avais suggéré de fendre quelques sticks des bois et que je devrais payer. Mais ils avaient refusé. Je leur avais demandé de partir. Etre déplacé ne se signifie pas qu’on doit tout recevoir gratuitement. C’est bien, on doit manger à la sueur de son front », insiste-t-elle.
Pour sa part, le service urbain des affaires sociales, va en guerre contre la multiplicité des organisations d’encadrement des déplacés. Madame Germaine Kabuyaya, qui en est responsable, regrette que les promoteurs de ces organes visent leurs intérêts en lieu et place de ceux de déplacés qui seraient leur priorité. « Nous avons un arrêté qui dit que : le ministère des affaires sociales peut mettre fin aux activités de tout service d’action sociale ou centre privé en vocation sociale lorsqu’il ne peut plus remplir ou lorsque l’intérêt général l’exige. Ce sont des structures à bloquer, mais elles existent par ce que nous sommes en guerre », indique madame Germaine Kabuyaya responsable du service des affaires sociales en ville Butembo.
Glodi Mirembe