D’un côté, par son acidification du sol, les eucalyptus pourraient à la longue conduire à la désertification de nos sols. Ils ont des effets nuisibles sur les propriétés du sol. De l’autre côté, l’eucalyptus tente de résoudre certains problèmes environnementaux : l’équilibre atmosphérique et l’échelle des temps pluviométriques. A découvrir dans la quatrième et dernière partie du dossier sur « l’eucalyptus, une alternative pour la préservation des forêts au Kivu ? »
Il faut l’avouer, les eucalyptus ont joué un grand rôle dans la reforestation de la ville de Butembo et ses environs ainsi que du Kivu en général. Ils ont assuré une disponibilité en bois dans la région. Il y a eu des eucalyptus qui sont venus pour constituer une alternative à la carence en bois, bois énergie surtout et même en bois d’œuvre.
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Malgré le problème d’acidification du sol, le pédologue Mutiviti tente de donner des pistes pour contournér ce défis : « On peut inverser l’acidification du sol par l’eucalyptus, mais avec beaucoup d’investissements. Si vous mettez la matière organique là où on a coupé le bois d’eucalyptus en plus de la chaux, rapidement le sol retrouve sa fertilité d’antan ». Il relève un défi majeur : « Pourtant, localement la matière organique coute plus chère que les engrais car il faut aller la chercher (Ndlr loin dans la ferme), la transporter, l’épandre et l’enfouir. Ce qui est à la fois énergivore, coûteux et chronophage ».
Recourir à une même espèce
Par contre, comme les eucalyptus appartiennent à la même famille botanique, il y a un inconvénient du point de vue de la biodiversité. On a une catégorie d’espèces d’arbres qui prédomine dans la région. Cela serait en train de conduire une certaine érosion génétique des espèces naturelles locales, estime l’expert Sorel Wasukundi.
En plus, « Avec cette même famille botanique, imaginez-vous s’il y a une maladie qui attaque les eucalyptus. Cette maladie, si elle est vraiment virulente, elle risque de décimer tous les eucalyptus qui sont dans notre région comme ce qu’on a observé avec les bananiers avec cette maladie qu’on appelle le wilt bactérien. Si cette maladie décime les eucalyptus, ça prendra du temps pour que nous puissions résoudre ce problème. Et nous serons, en plus, confrontés à des problèmes d’ordre social et économique », alerte Sorel Wasukundi.
Néanmoins, pour que l’eucalyptus soit attaqué par une maladie comme le bananier, nous avons un avantage. « Nous avons plusieurs espèces d’eucalyptus », relativise le Professeur Mutiviti.
Créer de l’équilibre
L’eucalyptus serait une espèce qui lutterait contre les érosions. Car il est dit que la meilleure protection contre les érosions est de couvrir le sol, or l’eucalyptus couvre le sol. « L’eucalyptus couvre le sol. Pour que le sol soit exposé à l’érosion, il faut que le sol soit d’abord nu. Or l’eucalyptus, avec son enracinement profond et sa densité, il fixe le sol contre l’érosion justement.», explique Mutiviti
Par ailleurs, les fumées libérées lors de la combustion de la biomasse ligneuse est certainement chargée de polluants gazeux et particulaires qui, d’une part, peuvent entraîner des conséquences néfastes sur la santé et, d’autre part, contribuer au réchauffement global de la planète en contribuant au forçage de l’effet de serre.
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Par contre, avec ce même défi du changement climatique, l’eucalyptus, malgré ses défauts, est parmi les espèces qui fixent le Carbonne. « Alors quand le crédit Carbonne sera effectif, les propriétaires de ces plantations d’eucalyptus vont commencer à toucher beaucoup d’argent et le reste, les champs agricoles, risquent d’être transformés en plantations d’eucalyptus. », présage le Professeur Mutiviti.
L’eucalyptus parait un mal nécessaire. Bien qu’il crée beaucoup des problèmes, il en résout aussi beaucoup. Le challenge aux hommes de science et aux opérateurs économiques reste de trouver l’équilibre en décidant là où on peut mettre l’eucalyptus ou non. « Sur ce point, la science dit qu’on ne peut reboiser que les sommets des montagnes pour éviter l’érosion ; ainsi les flancs des collines et les bas-fonds seraient couverts de cultures vivrières », recommande le Professeur Mutiviti.
L’échelle du temps
L’expert en gestion de la biodiversité Sorel Wasukundi pense à l’échelle du temps en précisant qu’il faut prendre en considération le fait que les effets d’eucalyptus pourraient être compris dans une échelle de temps donné. Quand on prend une échelle de temps assez courte, de moins de cent ans par exemple, les eucalyptus ont des effets néfastes. Mais si vous observez bien, il peut arriver qu’un champ d’eucalyptus se transforme à la longe en une forêt que l’on dirait naturelle : « L’échelle de temps que l’on considère peut aussi gagner sur les effets là. Les oiseaux, les insectes, les animaux qui viennent loger, se recréer, se nourrir déposent les déchets dans un champ d’eucalyptus, y laissent des graines d’autres arbres. Quand on a planté des arbres pas à but lucratif et si on est prêt d’une forêt naturelle, on constate qu’une autre forêt nait sous les eucalyptus dans le sous-bois. »
Herve MukuluVulotwa