Cela fait quand même un quart de siècle que l’on viole et massacre des populations dans des guerres à l’Est de la RDC. Malgré les millions de morts et de déplacés, rien de concret n’a encore été fait pour mettre fin au calvaire des populations. Chacun y va de son analyse. Certains proposent même la balkanisation du pays, car estiment le pays trop grand pour être géré. Et pourquoi ne pas tout simplement délocaliser certaines institutions en province ?
Le rapport de Human Right Watch avec le concours du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) sur la situation sécuritaire du Kivu rendu public en décembre 2017 révèle que les deux provinces, le Nord et le Sud-Kivu, comptent à elles seules plus d’une centaine de groupes armés. En même temps, quand on observe la carte de la géographie sécuritaire de la RDC, l’on s’aperçoit que plus on se rapproche de la capitale, moins il y a de groupes armés actifs.
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En effet, quand un groupe armé veut lever sa tête aux environs de Kinshasa, la capitale, il est vite neutralisé. On a tous été témoins de la façon dont les FARDC ont mis fin à l’aventure des Bundu Dia Kongo (BDK), ce mouvement politico-militaro-religieux qui avait sa base dans le Kongo Central, une province qui a des frontières avec Kinshasa.
C’est certainement parce que toutes les institutions névralgiques, à commencer par la présidence, sont installées dans la capitale. Je pense que ramener certaines de ces institutions en provinces serait peut-être un gage de sécurité.
Armement citoyen, une solution ?
Un député du Nord-Kivu est allé jusqu’à demander au Chef de l’Etat d’autoriser l’armement des citoyens comme en Ukraine pour faire face aux tueries à l’Est du pays. Selon lui, depuis octobre 2014, les massacres de Beni perdurent. Il y a eu une succession d’opérations militaires, il y a eu état de siège, il y a maintenant la mutualisation des forces entre notre armée et celle de l’Ouganda… « Devant ces défis, et face à la poursuite des massacres, nous demandons au Chef de l’État d’expérimenter l’autre stratégie efficace : celle de doter les citoyens des armes pour qu’ils se protègent », indique ce député provincial.
De son côté, le Professeur Muhindo Mughanda, dans l’une de ses recherches, se demande quel serait l’effet que la détention des armes à feu par les civils pourrait avoir sur la sécurité individuelle et collective, dans la contrée de la ville de Butembo et du territoire de Beni, en Province du Nord-Kivu. Selon ses recherches, il y a nécessairement des positions pour et des positions contre le fait d’autoriser le port d’armes à feu par les civils, surtout en Afrique, où la culture des armes ne se rattache qu’à deux événements : d’une part, la colonisation et, d’autre part, les guerres civiles, les rébellions orchestrées par des groupes armés locaux et étrangers.
Protéger les institutions plutôt que la population
Ici dans l’Est du pays, il existe des groupes armés composés de moins de vingt hommes, mais qui sont-là depuis plusieurs années sans jamais être inquiétés. Ces groupes commettent des exactions terribles contre la population, mais parce que cela se passe loin de Kinshasa, nos dirigeants s’en soucient peu. On comprend que l’insécurité dans l’Est ne constitue en rien une menace pour les institutions de la République qui sont à Kinshasa. « L’Etat congolais se préoccupe plus de la protection des institutions que de sa population », soutient un politologue dont nous taisons le nom, et je suis de son avis.
Imaginez qu’on délocalise certaines institutions de la capitale vers des villes d’autres provinces ! Par exemple, déplacer le siège de l’Etat-major général de l’armée au Nord-Kivu, le gouvernement dans l’ancienne Province Orientale, le Parlement au Sud-Kivu, la banque centrale au centre du pays et ainsi de suite… De cette manière, comme il est certain que le gouvernement va chercher à protéger ses institutions là où elles se trouvent, par ricochet il mettra fin à l’activisme des groupes armés dans ces zones. Ainsi la population sera enfin protégée. Du coup, non seulement il y aura la paix, mais chaque entité qui va abriter une institution de la République sera prise en compte dans le plan prioritaire de développement du pays.
Umbo Salama
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