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Quand le foot joue à l’unissons en RDC

Quand le foot joue à l’unissons en RDC


Aujourd’hui il n’y a qu’une chose qui semble unir le peuple congolais : des prouesses sportives. En dehors de son palmarès, l’équipe nationale congolaise de football se montre encore digne de confiance. La mobilisation en marge de la rencontre RDC – Maroc (match de barrage pour la qualification à la coupe du Monde Quatar2022) de ce vendredi 25 mars, au stade de Martyrs de Kinshasa, en témoigne. Politiciens, musiciens, mouvements citoyens, groupes de pression… semblent mettre de côté leurs divergences et guéguerres habituelles…

« A chaque match des Léopards, nous avons un aperçu de notre capacité à nous unir au-delà des clivages politico-sociologiques. Vive la RDC ! », écrit sur son compte twitter Yves Mwekassa, Secrétaire général de « Essor de la république ». Ce vendredi 25 mars, des couleurs du drapeau de la RDC ont colonisé des rues et avenues des villes, villages et autres agglomérations de la RDC. Difficile de parcourir une distance d’un mètre sans une question sur le Match RDC – Maroc. « Ça vaut la peine. J’aime ma nation. Son opprobre est mon opprobre, sa fierté est ma fierté, sa défaite est ma défaite, sa victoire est ma victoire. On est lié pour la vie », crie du haut d’un bâtiment en construction, un aide-maçon, toute la poitrine peinte aux couleurs du drapeau de la RDC.

Les réseaux sociaux sont entrain en contribution. Des pronostics ont été faites. Des pari-foots ont connu un engouement… « 48 ans après nous avons la chance d’être au seuil d’une qualification à la coupe du monde Quatar2022. Aujourd’hui, comme un seul homme, soutenons notre Onze national qui sera dans l’arène du stade des Martyrs face au Maroc », indique sur son compte Twitter Sama Lukonde, premier ministre congolais. « En tant qu’ancien membre du comité de recherche de V-Club, je dirais que le travail est impeccable », embraye Léon Kakese, un des influenceurs de la twittosphère congolaise.

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Des musiciens, de différentes générations et de différentes tendances, ont aussi appelé à la mobilisation pour les Léopards à travers une chanson : « Fimbu International ». « C’est vrai, on a fait une chanson pour encourager les Léopards de la RDC à gagner le match contre le Maroc. Dans la chanson, on crie les noms des ministres et conseillers du Chef de l’Etat. C’est un peu décevant », s’indigne certains politiciens qui n’ont pas trouvé des noms de leurs mentors dans cette musique.

Pour la passion ou pour la politique ?

Il y a encore quelques années, supporter le football en RDC était l’affaire de quelques personnalités. Aujourd’hui on sent un engouement de presque tous les politiciens vers cette discipline. Le Président de la RDC Félix Tshisekedi, ceux du parlement Christophe Mboso et Bahati Lukwebo, le Premier ministre Sama Lukonde, le Chairman du MLC (Mouvement pour la libération du Congo), Jean Pierre Bemba et d’autres opérateurs politiques étaient présent au stade des martyrs. Pour Patrick Muyaya, ministre congolais de la communication et porte-parole du gouvernement, il s’agit de « 90 minutes pour écrire une belle histoire. Courage à nos Léopards. Comme un seul homme, la nation est rassemblée autour de vous », encourage-t-il.

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Dans cette mobilisation, d’autres y trouvent plus des intérêts politiques que de la passion pour le sport. « Ce n’est pas seulement une affaire de passion. Investir dans le ballon rond permet aux hommes politiques d’étendre leur influence. Mais encore, pour rester populaire, il faut gagner », indique Richard Kighusu, universitaire et chercheur en planification régionale.

https://twitter.com/bembajp/status/1507418329979437095

Ces deux groupes – la classe politique et la gente sportive – n’ont pas souvent été solidaires. Les politiques ont parfois usé de la popularité du sport pour accéder au pouvoir. Une fois aux affaires, les politiciens ne s’investissent plus dans la promotion de cette discipline comme souvent promis lors de la campagne électorale. Certains clubs ont même vu leur espoir s’effondrer à la défaite de leurs supporters aux élections.

Abrutir le peuple

Pour d’autres, si la population et les autorités recouraient à la même énergie, même mobilisation contre l’insécurité… on mettrait déjà fin à la guerre à l’Est du pays. Et l’Etat de siège n’allait même pas avoir lieu. « Le patriotisme ne doit pas uniquement se limiter au football. Nous devons surtout lutter contre les antivaleurs : la corruption, le mensonge, le détournement, le vol,… », indique André Miguel, peintre-décorateur, qui s’est abstenu de se mobiliser pour les Léopards.

Même son de cloche, dans le monde de l’enseignement. « Pour un simple jeu, un match de foot, le gouvernement met des moyens colossaux. Mais, ils sont incapables de reproduire les mêmes efforts pour construire même une simple bibliothèque publique », s’exclame un Professeur d’universités, impressionné par la forte mobilisation pour le foot.

Dans cette même perspective, d’autres pensent que les gouvernements congolais continuent à investir dans ce qui abêtit, distrait,  abrutir le peuple afin de maintenir le pouvoir. « Un jeune qui se donne sérieusement au foot a au moins 80% de chance de gagner sa vie que celui qui passe son temps à lire des romans. Attendez seulement comment ils seront adulés et récompensés en cas de victoire », réplique avec ironie, un autre Professeur.

Malgré cette participation des politiciens dans la gestion du football congolais, la RDC, premier pays africain à aller au mondial en 1974 n’a pas joué cette prestigieuse compétition depuis plus de quarante ans. Le pays est également absent du top 5 des pays sportifs du continent depuis plusieurs années. Par manque d’avenir au sein du domaine sportif congolais, des athlètes nationaux préfèrent vendre leurs talents aux pays étrangers.

Umbo Salama