Cet article a été publié pour la première fois sur worldforestvoices
Je sais, l’attention du monde entier est pour l’instant tournée vers l’Ukraine, cela est bien normal. Mais, n’oublions pas aussi que l’humanité et les écosystèmes dont nous dépendons sont autant menacés par le changement climatique.
Curieusement, plusieurs médias ne mettent qu’en première page des informations sur la guerre, la crise économique etc. Et lorsqu’ils osent parler des questions environnementales, la plus part de ces bulletins d’actualité ne présentent que des images dramatiques des vastes étendues de terres déboisées etc. mais pire encore, les forêts sont perçues comme des endroits sombres, dangereux et peu intéressants pour des gens mal ou non instruites. Tout ceci car les médias mais aussi les forestiers ne communiquent pas assez ou de la bonne manière sur le thème des valeurs forestières.
Ainsi, la pression humaine sur la nature est de plus en plus croissante. En République démocratique du Congo par exemple, le bois sec ou en charbon est la principale source d’énergie dans la cuisine congolaise. Il y’a donc tendance à la savanisation car la forêt naturelle disparaît constamment notamment dans le paysage Virunga, dernier habitat des Gorilles de montagnes.
Sous la bénédiction des groupes armés locaux et étrangers actifs dans la région, la production et la commercialisation du charbon de bois est devenu un business florissant. Ceci semble intriguant mais c’est la réalité. Les populations locales ont plutôt choisi de collaborer avec des milices afin d’exploiter les ressources forestières de manière illicite et irrationnelle. Sûrement, plusieurs facteurs entrent en jeu pour expliquer ce phénomène mais les plus importants sont surtout liés à l’inefficacité de la communication mais aussi et surtout la conservation de la nature paraissant plutôt policière que communautaire.
En effet, des citoyens ordinaires comme monsieur Mugheni Faustin (nom d’emprunt en raison de sécurité), n’ont vraisemblablement pas aucune information ni connaissance forestière. Pourtant, l’avenir des forêts dépend davantage de leurs actions en tant que paysans, mais hélas, ils ne sont pas suffisamment informés. « J’ai une seule fois entendu le mot changement climatique à la radio mais je ne sais pas de quoi il s’agit réellement, je pense que c’est des histoires des blancs. Je n’ai jamais entendu parler de la COP ni le REDD et je ne sais pas ce que cela signifie car je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école…je ne sais pas non plus ce que signifie la biodiversité » indique-t-il en langue locale (Swahili), répondant à mes questions.
Comme c’est de lui qu’il s’agit, monsieur Mugheni Faustin , est un ancien enfant soldat vivant à Kanyabayonga, un village se trouvant à la lisière du parc national des Virunga, dans l’Est de la RD Congo. La quarantaine aujourd’hui, Mugheni Faustin garde en tête la petite phrase d’attention que son défunt père lui répétait souvent:« Mon fils, la forêt est un endroit dangereux et insécurisé, elle n’est là que pour les animaux, faut donc pas t’y hasarder ! »
Le jeune homme oisif dès le départ, semble n’avoir reçu que des messages pessimistes sur la forêt. Après donc sa vie d’enfant soldat, monsieur Mugheni Faustin est devenu progressivement l’un de grands exploitants débridés des écosystèmes forestiers dans la région: « Nous vendons rarement en public car ces bois secs et en charbon viennent d’une aire protégée. Nous sommes une importante chaine d’acteurs et nous nous connaissons bien. Nous collaborons notamment avec des miliciens armés pour la sécurité et nous faisons des livraisons aux dépôts et au ménages tard le soir ou de bonne heure quand les services de contrôle de l’Etat ne sont pas actifs » témoigne-t-il.
Le changement de narratif…
Selon moi, il faudra mieux communiquer pour construire un avenir vert, sain et résilient avec les forêts. Ici, j’aime citer l’environnementaliste sénégalais Baba Dioum qui a dit: « En fin de compte, on ne conserve que ce qu’on aime. On aime ce qu’on comprend et on ne comprend que ce qu’on apprend » Parce que la question sur la biodiversité nécessite la visibilité médiatique qu’elle mérite et ne devrait plus être qu’un concept des scientifiques seulement.
La communication dans le domaine forestier doit aujourd’hui être accessible au grand public (si possible en langues locales) avec des messages explicites sans jargons scientifiques, surtout aux communautés locales essentiellement moins instruites. Il faudra donc s’attaquer aux idées reçus en mettant au premier plan des messages positifs sur les forêts, représentant un refuge pour les populations et un habitat pour la biodiversité. En tant qu’un jeune acteur de changement social et activiste du climat basé en RD Congo, j’essaie donc de présenter régulièrement une image plus complète des forêts et de leurs valeurs au travers de la sensibilisation de proximité, pour développer chez les jeunes gens une faculté soit mentale, sociale ou affective favorable à la conservation et la préservation des forêts.
Joseph Tsongo