RDC-Bois : l’eucalyptus, une alternative pour la préservation des forêts au Kivu ? (Partie I).


A l’Est de la RD Congo, dans la partie dite Nord de la province du Nord-Kivu (appelée communément « Grand Nord »), aux environs des villes de Butembo, des communes rurales et villages de la région, le couvert forestier naturel a presque complètement disparu. Pourtant, la région n’est pas devenue une savane herbeuse naturelle. Au contraire, elle est devenue un paysage où cohabitent cultures agricoles/fermes pastorales et arbres plantés comme alternatives à la forêt naturelle. Et il semble que ce reboisement est en train de gagner sur l’agriculture et l’élevage dans la région.

La particularité de ces forets artificielles entourant les agglomérations, c’est qu’elles sont dominées par un seul genre d’espèces d’arbres : les Eucalyptus. Ces derniers, qui sont des espèces exotiques, ont été favorisés au détriment des espèces natives, et ce, en raison du rôle majeur que ces arbres ont joué dans la vie socio-économique du milieu. Ils constituent, en effet, la principale source d’énergie-bois utilisée dans les ménages et dans la petite industrie naissante dans la région (vinification, panification, savonnerie,). Les Eucalyptus occupent également une place importante dans la fourniture de bois d’œuvre. Les vertus médicinales des Eucalyptus ainsi que d’autres services culturels et environnementaux qu’ils rendent ne sont pas du reste.

C’est cette multiplicité de vertus reconnues aux Eucalyptus qui nous pousse à nous poser ces questions : « Les Eucalyptus constituent-ils une alternative pour la forêt naturelle dans le Kivu ? » C’est ce à quoi va répondre cette investigation appuyée par Pulitzer Center à travers Congo Bassin/Rainforest Journalism Fund dans le cadre du projet « Reportage en temps de crise ».

Difficile de s’en passer, le bois, humide, sec ou en charbon, est la principale source d’énergie dans les cuisines congolaises. Même sans aucune base statistique, j’ai comme l’impression que si dans d’autres grandes villes congolaises (Kinshasa, Lumbumbashi, Kolwezi, Kisangani et Goma,), la promiscuité et l’exiguïté des maisons penchent la balance pour le charbon de bois (makala) ; la ville de Butembo reste l’une des rares grandes agglomérations pour lesquelles le bois de chauffe supplante le charbon de bois dans les cuisines.

Butembo est une ville de la province du Nord-Kivu, à l’Est de la République Démocratique du Congo dont le nombre d’habitants avoisine actuellement un million, soit environ 20 fois moins que Kinshasa, 5 à 4 fois moins que Lumbumbashi, 2 à 3 fois moins que Goma et Kisangani. 

Le cout et l’équipement en électricité et en cuisinière en base de gaz ne permettent qu’à une minuscule frange de la population de s’offrir ce luxe à Butembo comme dans le Congo entier. A Butembo, la rapidité et le cout d’un stère de bois par rapport au sac de charbon de bois fait pencher la balance pour le bois de chauffe.

Le village de Lukanga, dans le village tout comme dans les environs, l’eucalyptus domine © Photo Hervé Mukulu

En 2014, KaserekaMaombezi Jonas, alors étudiant en Sciences agronomiques à l’Université Catholique du Graben (UCG/Butembo) a mené dans le cadre de son travail de fin de cycle. Ses recherches démontrèrent que le bois-énergie est la source d’énergie la plus utilisée dans les ménages pour la cuisson des aliments. 97% de la population en font usage au quotidien, 52% de la population utilisent uniquement le bois de chauffe, 30% uniquement le charbon de bois et 15% fait usage de deux.

A l’époque étudiant, pour son travail de fin d’études, l’expert en gestion de la biodiversité et aménagement forestier durable, MbusaWasukundi Muyisa Sorel a révélé : « Dans leur variabilité en ce qui concerne le nombre de briques à cuire par four, les 581 fours recensés durant 6 mois en ville de Butembo ont utilisé un volume de bois estimé à 18 201,97 m3, soit environ 36 400 m3 pour une année. Il s’agit là du volume réel obtenu après correction, par le coefficient d’empilage, des volumes apparents de 23 190 stères ou 2 2209 stères bennes ».

bois d’eucalyptus en vente comme bois de chauffe dans un quartier résidentiel en ville de Butembo. Juste à coté, une église construite en planche de bois d’eucalyptus @Hervé Mukulu

Mais comment utiliser quotidiennement des quantités astronomiques de bois dans différents secteurs (Cuisine, artisanat, immobilier, mobilier, usine, agriculture,) sans déforester le grand massif forestier du Bassin du Congo ?

Un coin de ce géant Congo, a semble-t-il, avoir déjà trouvé une solution : la culture de l’eucalyptus, bon, disons des Eucalyptus pour être scientifiquement correct.

Hervé Mukulu


Un commentaire

  1. Bonjour ! J’aurais juré être déjà venu sur ce blog, mais après avoir parcouru certains articles, je me suis rendu compte que c’était nouveau pour moi. Quoi qu’il en soit, je suis certainement heureux de l’avoir découvert, et je le mettrai en favori pour y revenir régulièrement !

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