Dans la suite des propositions du comité multisectoriel de lutte contre le coronavirus, en RDC le gouvernement a déjà instauré un couvre-feu de 21 heures à 5 heures du matin aux côtés d’autres mesures de lutte contre le covid-19. Mais l’application de ces mesures constitue un réel défi…
A l’entrée de la Mairie de Butembo, à environs 300 Km au Nord de Goma, à l’Est de la RDC, le dispositif de lavage des mains ne suscite plus d’engouement. L’eau y est, mais le policier et d’autres agents de sécurité ne conditionnent pas l’entrée par le lavage des mains. Le thermomètre à infrarouge pour prélever la température est à peine utilisé. Une seule affiche de prévention, placée sur la façade du bâtiment à une hauteur de plus de 5 mètres, n’attire quasiment personne. Seuls quelques agents et visiteurs circulent dans la cour avec des masques bucco-nasaux, tantôt bien portés, tantôt placés sur le menton ou simplement portés à la main.
La situation est similaire dans plusieurs coins du Nord-Kivu ainsi que dans des bureaux des services publics et privés. Des kits de lavage des mains ont presque disparu. Les quelques kits encore visibles ne sont pas approvisionnés en eau. « Durant l’épidémie d’Ebola, il fallait voir comment les humanitaires se bousculaient pour desservir les différents points de lavage des mains en eau. Mais aujourd’hui on ne voit même pas de petits efforts des autorités locales… Même pour des petites questions de l’eau, il faut attendre des humanitaires… C’est ridicule », se désole Alphonse Fabrice, ancien agent lors de la riposte contre la dixième épidémie d’Ebola.
Pourtant le président de la République était formel dans son message qui institue les mesures barrières de lutte contre la deuxième vague de covid-19 en RDC. « J’appelle à une application stricte des gestes barrières, dont le port des masques, la prise de température, le lavage obligatoire des mains, le respect de la distanciation physique, l’interdiction des kermesses. Le respect des mesures barrières dans tous les lieux publics (…) seront de stricte observance », avait insisté le Président de la République.
Exigées seulement à l’entrée
Devant les morgues lors des levées des corps des défunts, à la sortie des Eglises, dans des marchés comme dans des écoles, instituts supérieurs et universités,… des foules s’y rassemblent. Des politiciens organisent des rassemblements publics. Les gens discutent à moins d’un mètre les uns des autres, mais rares sont ceux qui portent des masques. Des voyageurs s’entassent dans des voitures et bus… Et pourtant, en RDC, le Nord-Kivu est le deuxième épicentre de la maladie de covid-19, après Kinshasa, la capitale de la RDC. « J’ai toujours eu l’impression que ce masque m’étouffe… Je le porte seulement quand je suis dans l’obligation de me rendre à l’hôpital pour visiter un malade ou quand je dois me rendre à la banque », se dédouane Kahindo Sikyolo, après avoir extenué à quatre reprises à la sortie de l’Eglise.
C’est seulement quelques services qui sont encore exigeants pour le respect des mesures barrières. Il s’agit en grande partie des institutions financières et structures sanitaires. Ici, il est exigé, non pas seulement d’avoir un rendez-vous, venir déposer ou retirer son argent, ou rendre visite à un malade, mais surtout avoir un masque. « Le comble est qu’il y a des exigences à l’entrée des hôpitaux par exemple. Mais quand vous êtes à l’intérieur de la cour vous retrouvez même des médecins et infirmiers sans masque. Quel exemple ils donnent ? », s’interroge Kambale Kavugha, rencontré à l’hôpital Matanda de Butembo, venant rendre visite à un malade.
Prêcher par l’exemple
Trop de relâches de mesures barrières s’observent sur l’étendue de la République. Au Nord-Kivu par exemple, des kits de lavage de mains qui ont servi durant la dixième épidémie d’Ebola sont déjà jetés. Des militaires et policiers, sans masque buco-nasal, s’entassent dans leurs jeeps 4X4 en pleins convois et patrouilles. Aucun respect de la distanciation physique. Ils interpellent et arrêtent ceux qui ne respectent pas seulement le couvre-feu de 21 heures à 5 heures institué par le chef de l’Etat. « On dirait qu’eux sont déjà immunisés contre covid-19. On voit même des bourgmestres, maires, députés et autres autorités sans masques lors des grandes manifestations. C’est pourquoi les gens ne prennent pas cette maladie au sérieux », s’indigne Prince Siviholya, qui avait travaillé comme relai communautaire durant la dixième épidémie d’Ebola.
Pour la société civile, ce comportement des autorités est un autre facteur qui puisse favoriser davantage la propagation de la maladie à coronavirus. « La population elle-même semble imiter les autorités et plonge directement dans le relâchement. Ce qui fait que la population a commencé à relativiser le degré de contamination. C’est une des raisons pour lesquelles cette maladie semble perdurer dans notre province », argumente Edgar Katembo Mateso, vice-président de la société civile du Nord-Kivu. « On aurait souhaité que chaque bourgmestre, chaque maire, chaque administrateur de territoire en collaboration avec le ministère de la santé et le gouverneur puissent mobiliser les fonds avec l’appui des coordinations de la société civile afin de trouver des mécanismes pour arrêter la circulation du virus », conseille-t-il.
Umbo Salama