RDC, pauvre de ses minerais


Publié pour la première fois sur www.habarirdc.net

La majeure partie des activités économiques de la RDC est tournée vers l’exploitation minière. Pourtant, selon une publication de Matata Ponyo, le pays perd plus d’un milliard de dollars à l’importation de vivres. Le pays qui dispose de plus de 80% de terres arables et d’eaux douces avec une population à 70% paysanne, devrait pouvoir compter sur l’agriculture. Mais curieusement ce sont des pays limitrophes qui nourrissent les populations congolaises.

Quand on pose la question concernant les ressources de la RDC, la réponse qui vient en première position c’est un chapelet de ressources minières. Ce n’est pas faux. Le sous-sol de la RDC compte parmi les plus riches au monde en termes de minerais. La République démocratique du Congo possède une cinquantaine de minerais recensés, mais seulement une dizaine est exploitée : le cuivre, le cobalt, l’argent, le plomb, le zinc, le diamant, l’or, l’étain, le tungstène, le manganèse et quelques métaux rares comme le coltan. Pas étonnant que l’on attribue la défaillance de l’économie de la RDC à la « malédiction de ses ressources naturelles ».

Cette « malédiction » des ressources s’observe quand on se rend dans des localités où sont exploités des minerais. On est surpris par le niveau de pauvreté des populations locales. Les habitants se promènent pieds nus, vivent dans des huttes et des cabanes… Les infrastructures de base n’existent presque pas : des routes impraticables, des hôpitaux mal équipés, et quelques petits centres de santé…

Mangurejipa, une agglomération connue pour des carrières d’or qui l’entourent reste l’ombre d’elle-même

Dans ces milieux, rares sont les enfants qui vont à l’école. Pourtant, ce sont des zones qui ont une histoire fondée sur les minerais. Il suffit de voir la population cosmopolite dans ces bourgades. Ils viennent de partout. La seule ressource sur laquelle tous ces immigrés fondent leur espoir ce sont les minerais. Malgré les nombreuses terres fertiles disponibles, on compte les agriculteurs sur les doigts de la main.

Gagner et dépenser, c’est le principe

Les habitants sont très pauvres. Mais le contraste, c’est cette musique qui sort de toutes les maisons. La bière coule à flot en plein jour jusqu’aux heures tardives de la nuit. Les autochtones sont dans les carrières et les immigrants viennent vendre ici des produits en troc. Même une bière se négocie en termes de mesure de pierres précieuses. Le nombre de bars de fortune concurrence le nombre de maisons d’habitations. Ici les gens font des dépenses folles. Il n’y a que la bière, la prostitution et rien d’autre. Ils aiment le luxe…

Ces bourgades sont en réalité l’ombre d’elles-mêmes. Il faut aller loin, s’enfoncer dans les carrières minières en pleine forêt équatoriale pour trouver les minerais. Au retour, on songe d’abord à s’amuser pour oublier le dur labeur. On dépense alors tout ce qu’on a gagné pour la bière et les femmes. « Nous ne sommes pas venus faire les champs ici », affirme un orpailleur rencontré à Mangurejipa à environ 100 km à l’Ouest de Butembo, au Nord-Kivu.

Depuis 1940, les carrés miniers de cette zone attirent des foules et des hommes d’affaire de tout bord. Des groupes armés de leurs côtés fondent leurs pouvoirs autour de ces gisements et vont jusqu’à placer leurs campements dans les champs des populations paysannes. Ces dernières éprouvent la peur de s’adonner à l’agriculture.  

Quand l’éducation scolaire dénigre l’agriculture…

La ruée vers des pierres précieuses et autres ressources minières a fait oublier aux Congolais une ressource économique importante : l’agriculture. Au point que dans certaines écoles, l’agriculture est considérée comme une punition réservée aux élèves qui arrivent en retard ou qui dérangent en classe. Aujourd’hui, les facultés d’agronomie sont peu fréquentées. Les jeunes préfèrent s’inscrire en droit, en médecine humaine ou vétérinaire, en sciences économiques ou en informatique.

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Dans beaucoup de ménages, l’agriculture semble réservée aux femmes, tandis que les hommes restent au village à siroter un verre d’alcool, jouer aux cartes et discuter politique. Très peu de jeunes s’adonnent aux activités agricoles. Ces jeunes s’intéressent plus à des métiers tels que la menuiserie, la mécanique, le taxi-moto, le commerce…

En 2006, les exportations agricoles en RDC ne représentaient qu’environ 10 % du PIB, contre 40% en 1960. « Jadis florissant, avec une production plus réduite, le secteur agricole aujourd’hui est totalement paralysé. Ce secteur connaît une faible productivité conduisant 73% de la population congolaise à vivre dans l’insécurité alimentaire », fait remarquer Jean-Louis Nzweve, chercheur en économie rurale et consultant au ministère congolais de l’Agriculture. Il pense que tout ceci est lié à l’absence d’une politique nationale de promotion de l’agriculture. Conséquence : les importations de denrées alimentaires augmentent et les exportations baissent. Selon la publication de Matata Ponyo (alors Premier ministre) sur l’économie congolaise, la RDC perd plus d’un milliard de dollars américains (plus de 20% du budget national) seulement à l’importation des produits vivriers.

La production s’est en effet réduite depuis quelques années à des activités de subsistance malgré des conditions naturelles favorables. « Environ 97% de terres arables bénéficient d’une saison culturale de plus de huit mois dans l’année. De plus, 80% du territoire national sont de terres agricoles et d’eaux douces, mais 10% seulement sont mises en valeur dans un pays où plus de 70% de la population est paysanne », s’inquiète Jean-Louis Nzweve.

Il indique que si l’on investissait 1 milliard de dollars dans l’agriculture, la RDC pourrait nourrir un grand nombre de pays africains. Mais c’est le contraire qui s’observe. Viande, œufs, pommes de terre, tomates, poissons, riz, haricots, farine de froment et autres conserves… Tout provient de l’importation en RDC.

Umbo Salama 


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