Depuis le 30 décembre 2017, le gouvernement congolais a signé le Décret n° 17/018 qui interdit la production, importation, commercialisation et utilisation des sacs, sachets et autres emballages en plastique. Objectif : assainir et protéger l’environnement du pays contre l’insalubrité et la pollution. Mais l’Etat congolais a du mal à faire appliquer cette loi.
Dans plusieurs villes de la République démocratique du Congo, les déchets plastiques colonisent presque tout. Ils font déjà partie du décor des rues, rivières, maisons d’habitation, buvettes, dépotoirs, etc. Jetés n’importe où, ils sont ainsi emportés par les rivières jusque dans les champs où elles perturbent les cultures. Industriels et consommateurs doivent en prendre conscience.
Selon la célèbre océanographe américaine Sylvia Earle qui a mené des études approfondies sur la mer depuis plus de 60 ans, « 99 % d’oiseaux de mer auront ingéré du plastique d’ici 2050 si rien n’est fait pour inverser la tendance ». Même son de cloche pour l’organisation des Nations Unies pour l’Environnement. « Nous aurons plus de produits plastiques dans les océans que de poissons d’ici 2050 », indique cette agence des Nations Unies. En RDC, cela pourra arriver un peu plus tôt.
« Un environnement plastique »
Les statistiques de 2015 de l’ONU Environnement démontrent que la RDC produit 48 154 Kg des déchets plastiques par jour et 85% de ces déchets sont mal gérés. En titre illustratif, la ville de Butembo, à l’Est de la RDC, dans la province du Nord-Kivu, compte à elle seule une dizaine d’usines artisanales qui fabriquent des boissons alcoolisées. Ce chiffre du bureau urbain de l’industrie est inquiétant pas seulement à cause de la grande quantité d’alcool produit mais aussi à cause des bouteilles en plastique utilisées pour le contenir.
Bloggeuse chez « Habari RDC », Thérèse Kapinga a fini par conclure que l’environnement congolais est plastique. « Ces déchets plastiques usagers forment toute une couche dans le sol. Il faut creuser plus profond pour retrouver la terre pure. Cette couche de matières plastiques non biodégradables empêche le sol de se fertiliser, rendant les jardins potagers de moins en moins productifs », indique Remy Kasiki, universitaire et chercheur en gestion de l’environnement à l’UAC (Université de l’assomption au Congo). Pour Mumbere Kasumba, agronome de formation, il suffit que les racines de la plante butent un morceau de bouteilles et la plante arrête de croitre.
Limiter l’importation des produits plastics
Importées des pays voisins, ces bouteilles sont jetées n’importe où dans les rues. Aucune mesure de recyclage n’est prévue. « On se rendra compte très tard que ces bouteilles en plastique sont une vraie calamité pour l’environnement de notre ville », prévient Kavira Edwige, inspectrice au service urbain de l’environnement. Des spécialistes de l’environnement indiquent qu’il faut plus de 100 ans pour qu’une matière plastique se décompose.
Selon les statistiques du bureau de l’industrie en ville de Butembo, chaque usine importe près de 12 000 bouteilles par mois. Le service urbain de l’hygiène est débordé. Pour Kavira Edwige, « notre Etat doit imiter la politique environnementale comme celle du Rwanda : interdire l’importation de tout emballage en plastique et favoriser ceux qui sont biodégradables ».
Une seconde ou troisième vie… pour des emballages plastiques
Dans les rues, poubelles ou caniveaux, … de jeunes gens ramassent des bouteilles qui ont servi à vendre de l’eau ou des boissons alcoolisées pour les revendre sur le marché. On les voit les laver et les sécher avant de les revendre. Les petites commerçantes d’huile de palme, du jus, miel, médicaments des tradipraticiens, … les utilisent pour emballer des produits pour leurs clients.
Les enfants eux gagnent un peu de sous car ces bouteilles sont vendues entre 100 et 150 CDF (Franc congolais). Serge Lioto, un enfant résident au quartier Bombula à Mangobo, explique : « nous sillonnons partout pour chercher les bouteilles déjà utilisés pour les vendre. Par jour, on peut gagner 5 000 CDF ».
Mais nombreux d’entre les utilisateurs quotidiens ne réfléchissent même pas l’endroit où ces déchets pourraient finir. « La destination finale des bouteilles réutilisées reste toujours un vrai problème pour l’environnement. On peut réutiliser même 10 ou 20 fois les bouteilles, mais on finira toujours par se débarrasser des bouteilles vieillissantes et qui gardent malgré tout leur caractère dangereux pour l’environnement et pour l’homme », s’inquiète Richard Kighusu, chef des travaux et chercheur en planification régionale.
C’est dans cette perspective que Kabambi Kannaga, acteur politique et environnementaliste estime qu’il faut « responsabiliser les patrons des usines sur la gestion des déchets. Personne des riverains ne bénéficient directement des retombées y relatifs. Ils doivent aussi les indemniser en construisant par exemple des bâtiments d’intérêt public ».
Umbo Salama