Le temps passe depuis que l’armée congolaise a officiellement annoncé le début des opérations contre les rebelles qualifiés d’ADF et qui opèrent dans la ville et territoire de Beni. Mais sur le terrain, rien n’a pratiquement changé, les ADF continuent de tuer et massacrer la population. Aucun dispositif militaire des FARDC n’effraie ces rebelles.
« On était quelque part encouragé par l’annonce du gouvernement congolais sur les opérations contre ces rebelles. En même temps, on est quelque peu déçu du fait qu’aucune action concrète n’a jusqu’à présent été prise sur le terrain », s’inquiètent souvent des habitants qui ont déjà fui leurs villages suite à l’activisme de ces rebelles qui endeuillent l’Est de la RDC. Pourtant, à plusieurs reprises les FARDC (Forces armées de la RDC) annoncent avoir lancé des opérations de grande envergure pour mettre fin une fois pour toute à ces massacres. Selon des habitants rencontrés à Mbau et Oicha, et dans d’autres villages du territoire de Beni, ces rebelles circulent dans des champs de la population, armes en mains, et se cachent si des patrouilles de FARDC approchent.
Des renforts militaires arrivent presque chaque jour mais la situation reste la même. Pour plusieurs populations il n’y a pas une grande détermination des FARDC dans la zone, contrairement aux opérations qui étaient menées contre les M23 où les dispositifs militaires inquiétaient l’ennemi. « Nous pensions que des hélicoptères vont commencer à survoler dans le coin pour repérer des endroits qu’ils contrôlent. Mais nous ne voyons rien du tout qui peut inquiéter ces rebelles », s’indigne un notable d’Eringeti, vers la limite Nord entre le Nord-Kivu et l’Ituri. Seulement quelques bases militaires sont visibles. Ici des commandants disent attendre l’ordre de leur hiérarchie pour lancer les attaques. « Nous n’avons pas d’information sur les opérations qui ont commencé. De notre point de vue, ça n’a pas encore commencé », indique un sous-lieutenant rencontré Mavivi, sur la route Beni-Oicha.
Une force multicolore
Ce groupe d’assaillants qui contrôle plusieurs villages du territoire de Beni sont devenus une force multicolore et multiforme. Les ramifications et objectifs réels de ce groupe armé, l’un des plus meurtriers de l’est du Congo, restent entourés de mystère. Contrairement à beaucoup de groupes armés les ADF communiquent peu sur leurs actions. « Ils n’ont pas pour habitude de revendiquer leurs attaques, n’ont pas de porte-parole officiel et subissent rarement des désertions. Difficile donc d’avoir des certitudes sur l’étendue de leurs réseaux et leurs motivations », explique un défenseur des droits de l’homme en territoire de Beni.
En mai 2016, une commission composée des députés s’était rendue à Beni-ville et Beni-territoire. Cette commission avait rencontré différentes couches de la population. Des chefs coutumiers, des cultivateurs, des témoins, des rescapés des massacres, des membres de la société civile… Objectif : « Parvenir à identifier les vrais tueurs des populations de Beni, afin d’envisager des pistes de solution », selon l’esprit de leur ordre de mission. Cette commission parlementaire dit avoir identifié six groupes armés comme des tueurs de Beni.
Six groupes rebelles
D’abord, il y a des résidus ADF, notamment ceux qui avaient échappé à l’offensive des FARDC lancée par feu le général Bauma Ambamba. Ce reste des ADF essaie de se venger, mais c’est un petit nombre de personnes. Il y a aussi des personnes qui s’expriment en kinyarwanda. Des Hutu (mêlés aux FDLR) qui quittent le sud du Nord-Kivu pour la province voisine de l’Ituri, sous prétexte d’aller chercher des terres cultivables. Certains parmi eux ont été surpris avec des armes et des machettes. Et leur mode opératoire rappelle celui utilisé pendant le génocide rwandais de 1994. Les soldats ougandais de l’UPDF (Uganda People’s Defence Force), des militaires FARDC complices et indisciplinés, des hommes d’un colonel tutsi qui avait fait défection dans les rangs des FARDC en 2012 avec plusieurs hommes sous ses ordres ; ne coalition des ex-M23 avec les FRPI de Cobra Matata.
Toutes ces branches maîtrisent mieux les forêts, les collines et les plaines… des régions où sont établis leurs quartiers généraux respectifs. Pour les FARDC, pas facile de distinguer des ADF de la population civile. « Le comble est que certains collaborateurs des ADF vivent avec la population locale. Certains ont déjà fondé des familles avec des villageoises et d’autres possèdent des cartes d’électeurs. D’autres se sont déjà taillés des hectares des terrains pour y cultiver. Nombreux ne sont pas prêts à dénoncer leurs complices ADF », souffle une source des renseignements militaires à Beni. Les FARDC savent à quoi s’en tenir. Que la paix revienne…
Umbo Salama