Peu exigeante en matière d’espace, la myciculture (Culture des champignons) est devenue la source de revenu de plusieurs ménages du Sud de Lubero, à l’Est de la RDC. Cette culture qui a des vertus médicinales tente aussi de limiter des conflits sociaux.
Madame Jasmine Katya Kalondero, est une agricultrice de Kirumba, à environs 15O Km au Sud de Butembo, en territoire de Lubero. Depuis bientôt trois ans, à côté de la culture maraichère et vivrière, elle s’est lancée dans la myciculture (culture des champignons) de type pleurote. Une activité qui permet à son ménage de nouer les bouts du mois. Au début il n’y avait pas d’unanimité au sein de sa famille pour cette culture.
« Après la récolte des haricots, l’agronome d’une ONG locale m’avait conseillée de conserver les fanes (feuilles) pour la culture des champignons. Mon mari était mécontent et m’avait demandé pour quoi je ramène de la saleté à la maison. Je l’ai supplié de m’accorder au moins un mois pour que j’expérimente la culture des champignons et il a fini par être d’accord », témoigne Jasmine Kalondero. A la première récolte, elle a réalisé 10kg qui lui ont permis d’épargner 30$. Selon ses témoignages, cet argent lui a aidé à payer les frais scolaires de ses enfants. « Depuis, mon mari s’est converti et commence à m’aider dans ce travail », se réjouit-elle, avec un sourire aux lèvres.
Cycle cultural trop court
Dans la région, cette culture des champignons a du succès dans des ménages situés sur la route Butembo – Goma. Hommes et femmes, jeunes et vieux s’impliquent dans cette activité. Les récoltes se font toutes les 4 semaines. « Je sensibilise les mamans qui me rendent visite pour qu’elles commencent aussi cette culture si profitable », s’enthousiasme Jasmine Katya Kalondero. En effet, 1Kg se négocie entre 4 et 5$ et les clients sont toujours au rendez-vous.
L’Ingénier Kasomo Sekanabo qui mène des recherches dans l’agro-alimentaire indique qu’on n’investit pas assez d’argent dans cette culture car ce sont des résidus de cultures comme la paille de haricot, du soja, du riz, de blé ou feuilles de bananier, rafles de maïs, coque d’arachide, son de riz ou de maïs, … qui constituent les matières premières. « Ces matières premières doivent être stockées dans un endroit sec », conseille-t-il.
Lors de la préparation, il faut d’abord pasteuriser (bouillir) la paille pendant une heure. Puis évacuer de l’eau et procéder au lardage ou ensemencement de tout le tas de substrat pasteurisé, avant de remplir le sac à plastic, et qu’i faut ensuite fermer à l’aide d’une corde. « Ensuite les sacs sont placés en incubation dans le noir à une température de 20° à 25° », poursuit notre agronome.
Une fois que le mycélium de champignon a complètement colonisé le substrat, il faut déplacer le sac dans une chambre avec un éclairage et une ventilation adéquats et qui n’est pas frappée par le soleil. « Si vous voyez que les cultures se dessèchent, il faut arroser 2 – 3 fois par jour avec de l’eau propre », conseille-t-il. De nombreux types de champignons commencent à donner des têtes (boutons) 2 à 7 jours après avoir été placées à la lumière et la maturité intervient après 5 – 7 jours selon le climat (chaud ou froid). Il poursuit que l’intervalle entre deux récoltes est de deux semaines.
Appréciés pour la qualité nutritive
A vingt kilomètre de Kirumba se trouve l’agglomération de Kanyabayonga. Nombreux des voyageurs qui se rendent à Goma y font leurs achats avant de poursuivre la route. Alphonse Kyalikire, qui achète régulièrement ces champignons justifie qu’un nutritionniste les avait prescrits à ses enfants. « Ils ont des éléments nutritifs comme les protéines correspondantes à celle trouvée dans le lait, le poisson et les légumineuses. Ces protéines contiennent tous les acides aminés essentiels. Vous y trouvez d’autres et les minéraux comme la phosphore, fer et potasse », explique-t-il.
Selon plusieurs chercheurs, ces champignons de type « pleurote » qu’on cultive généralement à l’est de la RDC produisent de la « lova statine », utilisée contre l’hypertension artérielle. « On leur reconnait des propriétés anti tumeur et surtout pour le système intestinal », expliquent-ils.
Limiter des conflits fonciers
L’Ingénieur Kasomo indique que cette culture est un moyen simple de créer des emplois pour les familles en raison de son coût, de la simple technologie utilisée et son rendement élevé. Elle demande aussi un très petit espace de terre et une petite quantité d’eau. « Elle limite ainsi certains conflits fonciers et sociaux causés par l’insuffisance de des ressources naturelles », embraye-t-il. En effet, la multiplicité des groupes armés, l’insécurité généralisée, les nombreux mouvements des déplacés internes, l’expansion démographique, etc. entraînent de plus en plus l’épuisement des sols et la rareté de terres cultivables. Un déficit alimentaire généralisé se constate dans la zone. Or l’économie de plusieurs ménages à l’est de la RDC est entièrement basée sur l’agropastoral. D’où des disputes pour des espaces terriens sont fréquentes.
Un autre avantage de la myciculture, explique l’Ir agronome Kasomo, est que les résidus de cultures utilisés pour produire des champignons, deviennent soit des engrais naturels pour le jardin, soit des aliments pour animaux comme les bovins, moutons… Aussi cette culture est continuelle.
Umbo Salama
Très bonne expérience, surtout à cette phase où les opportunités liées à l’agriculture doivent être exploitées pour faire aux effets du changement climatique. Suis ému de cet accompagnement que cher Umba accorde aux petits exploitants agricoles, particulièrement à Madame Jasmine. Je serai content de venir voir ça de mes propres yeux.