Inquiétante résurgence d’Ebola au Nord-Kivu


Dimanche 7 février 2021, les autorités sanitaires de la RDC annoncent la « résurgence » de la maladie d’Ebola à l’Est du pays, précisément en zone de santé de Biena, dans l’air de santé de Masoya (60 Km à l’Ouest de Butembo), en groupement Mwenye, Chefferie de Baswagha, en territoire de Lubero, au Nord-Kivu, après la mort d’une femme. Mais trop de questions troublantes persistent…

Selon le communiqué du ministère de la santé du dimanche 7 février, la victime est une cultivatrice, âgée de 42 ans, épouse d’un survivant de la maladie à virus Ebola, ayant présenté en date du 1er février, les signes typiques de cette maladie. Décédée le 3 février, l’analyse de l’échantillon de son sang, prélevé avant sa mort, a abouti à un résultat positif au virus Ebola.

Le soir du même dimanche 7 février, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) écrit sur son compte Twitter que des épidémiologistes enquêtent sur place et viennent d’identifier plus de 70 contacts de la patiente. « La désinfection des sites visités par la patienta est également en cours », ajoute l’OMS.

Des faits…

La dame morte était épouse à Muhindo Mbumbu Jean, un des survivants de la dixième épidémie d’Ebola. « Son contrôle d’octobre et novembre 2020 serait négatif », comme explique le Sitrep 001 NK 2021 du 06 février 2021. Selon plusieurs sources dans la zone, la dame faisait souvent face à des bagarres et tortures dans son foyer. Et même le 25 janvier 2021 son mari l’a encore tabassée.

Le 1er février 2021 elle est consultée au CRS (Centre de Santé de Référence) de Masoya pour gingivorragie, hématémèse, douleurs thoraciques… Le 02 février l’IT (Infirmier titulaire) de Masoya suspecte, à côté du traumatisme, la maladie à virus d’Ebola et procède au prélèvement des échantillons. Il décide ainsi de transférer la patiente à l’Hôpital de Matanda à Butembo sur une moto, sur une distance d’environ 60 Km.

Le 03 février, la dame décède, son corps est gardé à la morgue de l’hôpital Matanda de Butembo pendant deux jours, avant de procéder à un enterrement non sécurisé à Musienene (à 17 Km au Sud de Butembo) le 5 février. C’est le 6 février que les résultats du laboratoire confirment la maladie d’Ebola sur l’échantillon prélevé le 2 février à Masoya.

Des questions persistantes

Le communiqué de l’OMS du dimanche 7 février souligne que « Butembo était l’un des épicentres de la précédente épidémie d’Ebola dans l’Est de la RD Congo et qu’il n’est pas rare que des cas sporadiques surviennent ». Les autorités sanitaires de la RDC craignent qu’une nouvelle épidémie d’Ebola n’affecte gravement le système de santé du pays, qui est déjà fragilisé par la pandémie de coronavirus. « L’expertise et les capacités des équipes sanitaires locales ont été essentielles pour détecter ce nouveau cas d’Ebola et ouvrir la voie à une réponse rapide », a déclaré à africanews.com, le Dr Matshidiso Moeti, directeur régional de l’OMS pour l’Afrique.

Pendant ce temps certaines questions restent encore pendantes. « Comment expliquez que le Centre de santé de référence de Masoya, qui accueille la patiente en premier, suspecte « Ebola », procède au prélèvement des échantillons et transfert la patiente sur moto jusqu’à Matanda, sur une distance de 90 Km ? », « Pourquoi les résultats ont pris autant de jours avant d’être communiqués ? », « Comment expliquez que l’hôpital Matanda qui avait le rapport du CSR de Masoya a autorisé un enterrement non sécurisé de cette dame ? ». Mais dans toutes ces structures difficiles pour des journalistes d’accéder à la fiche de transfert et de réception de la patiente. Pendant ce temps les éléments du Sitrep 001 NK 2021 du 06 février 2021 sont placés au conditionnel.

Trop de relâches

Ce cas d’Ebola intervient plus de sept mois après la déclaration de la fin de la dixième épidémie intervenue le 25 juin 2020. Selon les autorités congolaises et l’Organisation mondial de la santé, la dixième épidémie d’Ebola avait causé la mort à 2.287 personnes pour 3.470 cas.

Mais rien ne montre que la zone a traversé une longue période d’épidémie d’Ebola et de covid-19. Des kits  de lave-mains ont presque disparu, des CTE (Centres de Traitement d’Ebola) n’existent presque plus et le respect des mesures d’hygiène est devenu les cadets des soucis de la population. « Les tanks et autres kits de lavage de mains sont déjà jetés. D’autres disent qu’ils ont du mal à les approvisionner en eau. Les humanitaires utilisaient des engins pour l’approvisionnement en eau », se lamente le prénommé Serge, rencontré à l’entrée de la galerie GTB.

L’espoir est permis

A la coordination provinciale de la société civile au Nord-Kivu on reste optimiste pour vaincre cette épidémie à condition d’éviter la panique dans le chef de la population. Edgard Mateso, vice-président de cette coordination se base sur le nombre de personnes déjà vaccinées, la maîtrise des pratiques pour se prévenir ainsi que sur un personnel suffisamment formé. « La bonne communication demeure déterminante pour le reste du processus tant du côté des autorités que du côté des professionnels de la santé », insiste-t-il.

Même son de cloche pour Asaph Litimire, directeur de la RSL (Radio Sauti ya Lubero). « Si nous faisons ensemble un front commun. Cette 12ème épidémie d’Ebola va vite être endiguée. Nous devons laisser les spéculations et des velléités qui fragilisent la riposte », conseille-t-il. Docteur Valentin Kisambi, médecin chef de zone de santé de Biena conseille le respect des  mesures d’hygiène notamment le lavage des mains au savon ou avec la cendre, éviter de se donner les accolades, éviter de palper les animaux, accepter que l’équipe médical puisse faire le prélèvement sur le cadavre, procéder à l’enterrement digne et sécurisé, en cas de décès.

Umbo Salama

 


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